Nouveau billet d'humeur, que nous devons à Stéphane Régnier. Les dérives des catalogues de foires au vin.

Dans le catalogue FAV Auchan, on nous informe que "Pour faire le bon choix. Les distinctions sont de 2 ordres : médailles attribuées dans les concours et parutions dans des guides. Elles sont reprises près des bouteilles pour faciliter votre choix. "En feuilletant le catalogue, on s'aperçoit notamment que la couverture du guide "Parker des vins de France" apparaît parfois en incrustation à côté de bouteilles. "Mazette !" se dit le lecteur lambda, "Ce vin doit être excellent pour avoir été sélectionné par le plus grand dégustateur du monde ! " Le problème c'est qu'il y a 2 images différentes dans le catalogue : "Parker des vins de France 2001", et "Parker des vins de France 2002". Bob doit être passé à la vitesse supérieur : d'une édition tous les 4 ou 5 ans, il est passé à une édition tous les 6 mois. Pire ! Les notes ne sont pas indiquées dans le catalogue ! Juste que le vin est dans le guide ! Sous-entendu qu'il est donc forcément excellent, puisque au début on nous dit que c'est une distinction. Un vin descendu pourra doncafficher fièrement qu'il est sélectionné par Parker !

C'est presque anecdotique mais néanmoins consternant : Les quelques bouteilles portant sur leur étiquette "Vieilli en fût de chêne" se voient automatiquement attribuées par Auchan une belle incrustation "ELEVE EN FUTDE CHENE". Conclusion logique pour le nouveau consommateur à la lecture des St Emilion : chez les Grands Crus et Grands Crus Classés, les vins vieillis en fûts de Chêne sont ultra-minoritaires (1 sur 15). En Bourgogne ils n'utilisent que des cuves.

Dans le catalogue Fav Carrefour, c'est un partenariat avec la RVF qui est mis en avant. Là au moins on se dit que c'est du sérieux, qu'il y a de la vraie info...Dans le mille ! Des étoiles accompagne le logo RVF ! Le problème c'est que l'on nous annonce "La revue du vin de France, leader incontesté de la presse vin, guide chaque mois ses lecteurs pour connaître, choisir et déguster les meilleurs vins. Editeur également du guide..." etc,etc, puis "Carrefour a soumis au Comité de dégustation de la RVF... ...une partie de la sélection des vins de son catalogue. Après une dégustation, laRVF a noté les meilleurs vins parmi une gamme de haut niveau. Ces vins sont indiqués dans le catalogue par le symbole ci-dessus avec 2, 3 ou 4 étoiles. Seulement voilà, il n'y a aucune indication de la valeur des étoiles, juste que "la RVF a noté les meilleurs vins parmi une gamme de haut niveau. "Les vins notés sont donc forcément excellent puisque ce sont les meilleurs d'une gamme de haut niveau. Mais quand on connaît la valeur de 2 et 3 étoiles de la revue (seulementCorrect et Bon), on est en droit de se poser la question : Que valent réellement les étoiles RVF-Carrefour ? Alors le doute s'installe. Et on peut penser que peut-être, parmi les vins sans logo RVF, certains ont obtenu une seule étoile ? Si Auchan ne donne pas les notes Parker, Carrefour fait donc encore plus fort, le distributeur annonce des notes RVF mais sans donner leurs significations !

Dans ces exemples Auchan-Carrefour, le marketing vin fait des ravages, il broie littéralement l'information, il la vide de sens, il trompe volontairement le client. Mais c'est le jeu de la GD de faire des raccourcis et de vendre du vent, et on sait bien que ça ne va pas dans le sens d'une meilleure connaissance du vin, donc de sa pérennité. Beaucoup plus ennuyeux est la participation à la mascarade de journalistes qui pourtant clament haut et fort et à longueur d'année qu'ils travaillent pour informer les consommateurs. Alors on peut légitimement leur demander : Qu'êtes-vous allés faire dans cette galère ? Le "Nivellement par le bas" concerne aussi les journalistesdu vin ? Les consommateurs méritent-ils si peu votre attention ? C'est Jacques Berthomeau qui va être content : ce sont ceux qui sont en contact avec les consommateurs, "l'aval", qui visiblement sait le mieux développer le marketing nécessaire à la promotion de nos terroirs. Bon courage aux vignerons, ils vont en avoir besoin à l'avenir pour résister à la concurrence mondiale, eux qui soit disant ne sont pas au contact des consommateurs, et donc ne savent pas répondre à leurs attentes.

Circulez y'a rien à voir ! Laissez la place aux publicitaires, aux industriels et à la GD, eux sauront défendre vos intérêts avec la puissance financière nécessaire au marketing de masse. Puisqu'on vous dit que leurs intérêts sont les mêmes que ceux des vignerons artisans.Le vin est un produit comme un autre dans les esprits des consommateurs, comme un paquet de lessive ou un litre de lait. C'est tellement une évidence qu'il n'y a même pas besoin de leur demander ce qu'ils en pensent. Construisons une image du vin français à la mode du jour, les actionnaires seront contents, à court terme il y a des dividendes à se faire. Et il sera si facile de mettre son argent ailleurs quand l'affaire ne sera plus rentable, quand la bonne image du vin français aura été suffisamment utilisée et complètement vidée de sens par les spécialistes du marketing. Une fois le raisin bien pressé plusieurs fois dans tous les sens, les vignerons sauront toujours se débarrasser du reste... si la collectivité accepte de les aider. L'avenir ne se joue pas à la vigne ni dans les chais, mais dans les salles de conférence et dans les agences de pub. C'est ça, la viticulture de demain.

Stéphane Régnier

 

steph.poulart@free.fr
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Texte Stéphane Régnier et réalisation Stéphane Poulart . Mise à jour 18.03.2002