Cette fois-ci, je ne suis pas en retard !
Pipo vient à peine de disposer sur la petite table habituelle
les étuis en feuille de cèdre. La cape bien protégée,
le Roméo y Julieta Cedros de luxe n°1 attend les autres
membres du petit club.
Les voilà ! Monsieur Zevief et le Beau Ric font
une entrée fracassante. C'est long deux mois, c'est bon de
se retrouver pour partir, assis, au pays des images aromatiques. En
grande forme, chacun y va de sa dernière plaisanterie. Pipo
n'est pas en reste, sorte de rituel nerveux qui conjure le mauvais
sort. Puis chacun s'installe et s'émerveille du beau costume
extramodulaire.On dépouille le lonsdale, les allumettes craquent,
le tabac rougeoie. Roméo entraîne d'un pas léger
sa Julieta, le poivre gris poudre leurs joues. Une botte de paille
les attire. L'étreinte attendue n'aura pas lieu, ces amoureux
universels manquent, ici, d'arguments et préfèrent continuer
leur balade d'un pas élégant certes mais sans s'écarter
du chemin. Heureusement, nos trois compères ont prémédité
leur accord. Chacun des trois vins dégustés densifie
le cigare.
En premier, le Sablet blanc 97 du Domaine Piaugier,
miel et vanille, bouche boisée, au caractère très
minéral, le coeur gras, apporte de l'étoffe aux amants.
Le sentier d'humus se pave, leurs pieds nus marchent sur l'alignement
de pierres sèches aux angles arrondis.
Mais il manque à Roméo ces fleurs qui
font tant plaisir. La Malvasia Fina Quinta das Mayas 98 comblera
ses voeux. Boisé, fumé, lèvre de cèdre,
le Dao offre au couple le bouquet de pétales blancs tant attendu.
Les fleurs se parfument de moka, de cuir, de muscade. Correspondance
entre la vitole et le vin, presque la décalque liquide d'une
tripe dont le second souffle plus soutenu permet aux notes mêlées
miel et caramel d'enrober le grillé d'une noisette.
Les fruits, ce sera le Bandol "le Galantin" 97
qui les apportera. Les tannins bien présents enrobés
de gras tracent avec la fumée la ligne qui mène à
la rougeur croquante des fraises et des griottes. Le jus coloré
se parfume de sauge et de romarin et crée une dentelle de poivre
rose pour Julieta. Malgré les efforts répétés,
les amants sombrent dans la mélancolie. Et nous ne sommes pas
à la fin du deuxième tiers ! Le chemin devient fangeux,
la paille se mouille.
Triste fin...
Orujo V.
De la pertinence d'accords inattendus
L'étoffe, la densité, la complexité aromatique
jouent un rôle très important dans l'accord avec les
vins. Dans le cas du Cedros n°1, cigare sans doute élégant
mais qui manque de tonus, il est remarquable de constater que des
vins très minéraux et gras comblent le déficit
de complexité de la vitole. Ils amènent comme une assise
sur laquelle les arômes ténus du cigare prennent une
certaine assurance. Les vins trouvent également leur compte
dans l'échange par un gain de rondeur, la fumée les
assouplit. Le style Cedros n°1 a aussi ceci de remarquable, le
fait de convenir aux vins plus tanniques. Le Bandol jeune en est un
bon exemple, malgré son gras, ses tannins sont plutôt
stricts, le cigare les adoucit. Alors qu'avec une vitole plus vigoureuse
les tannins se durcissent et l'ensemble devient désagréable.
Nous avions durant cette dégustation fait l'essai avec un très
vieux Côtes du Rhône (1978) qui gardait encore du fruit
au nez et une belle fraîcheur en bouche. Fiasco total ! Je crois
que pour les très vieux vins il faut absolument un cigare qui
ait suffisamment de force pour aller rechercher le fruit ténu
et caché, un Partagas D 4 devrait convenir. Une sorte de magie
se crée alors, le vieux désossé qu'on croyait
perdu à jamais renaît l'instant d'une bouffée
pour notre plaisir. C'est peut-être égoïste mais
tellement jouissif !
Orujo V.
Roméo et Juliette "Cedros de Luxe" n°
1
Un Cedros muy chicos
Cette marque de havanes reste emblématique pour les amateurs
d'une gamme comprenant 50 modules ! Entourée d'une feuille
de cèdre (très chicos), la ligne "cedros" (numéros
1, 2 et 3) est encore mal connue des amateurs belges. Le numéro
1 est un "lonsdale" dont l'attaque, mesurée, n'explose pas
en complexités aromatiques, préférant se replier
dans un registre agréable, quoique un peu trop linéaire.
L'agrément, un peu simple, se poursuit néanmoins avec
plaisir tandis que le tirage se montre aisé. Toutefois, arrivé
aux deux tiers, la puissance fait son apparition, associée
(malheureusement) à des notes piquantes et peu savoureuses...
Il vous vient alors l'envie de l'abandonner dans votre cendrier préféré.
Bonjour la frustration!
Patrick Fiévez
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Chaque mois, dans In Vino Veritas, vous retrouverez une
rubrique dédiée à cette association pouvant
être réellement magique.
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Mais au-delà de cette double dégustation, de ces
accords inédits effectués par un jury passionné
et compétent, le Club "Vino y Puro" est ouvert à
tous. Nous vous proposerons ainsi, au fil des mois, différentes
manifestations comme des repas-dégustations (avec, bien
sùr, les vins et les cigares préalablement sélectionnÈs
par notre jury, en parfaite harmonie ou en contraste détonnant)
mais aussi des voyages.
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Les Membres du Club recevront également, outre la revue
IVV, un "news letter" reprenant conseils d'achats, revue de presse
(livres, magazines) et différentes rubriques régulières
(comme "les restaurants qui aiment les cigares"). Un lien unique
et se voulant chaleureux pour les "aficionados" des beaux modules
et des bons flacons ! Pour plus amples renseignements : vinoypuro@skynet.be