La revue belge In Vino Véritas a crée une rubrique sur les accords cigares/vins.
Il s'agit de la rubrique :
Vino y Puro : Chroniques fumeuses
" Cuaba "
 

Boire et déboire

Les deux mains dans les poches, tout en flânant, j'arrive à l'aise près de chez Pipo. La rue calme renvoie à peine l'écho des pas de quelques passants. Il fait chaud, il fait bon, la promenade est agréable. Je dois me faire violence pour enfin pénétrer dans le petit bar.

Que s'y passe-t-il? Quelle agitation!

La belle Marcianne, Monsieur Zevief, le ténébreux Pipo ont réuni, sur la petite table, une multitude de bouteilles. Ce soir, on fait dans le faste. Le compagnon d'un soir se nomme Cuaba          . Doublement pointu, ce module agressif s'impatiente devant autant de flacons. A vos allumettes! Et coupez-le du bon côté! Une fumée légère emplit petit à petit l'espace. Trop légère! Chacun se regarde dubitatif, foin, paille sèche, une personnalité des plus floue.

Le cigare démarre mal, tous les blancs, sans exception, l'évincent, rejetant la verdeur de la vitole. Sur les premiers rouges, il se révèle pommadé. Un petit nouveau qui croyait impressionner et qui prend sa première claque. Les vacances sont proches et aucun dégustateur ne veut rester sur une aussi mauvaise impression jusqu'à la rentrée de septembre.

Monsieur Zevief et Marcianne déploient toute leur science et trouvent enfin de quoi satisfaire les papilles.

Tempranillo crianza Hermanos Lurton 1997, vin de "table" de la Castilla y Léon renforce le jeunot, lui met un peu plus de tripes. L'espagnol cherche et retrouve les épices qui s'étaient échappées, cardamome et Cayenne jouent en duo. Le vin, fier de son rôle, nous abandonne sa chair de cerise noire et une minéralité fine. Un ensemble riche, aux accords francs, se prolonge et se tresse de cuir.

Ragaillardi, le havane perd de sa verdeur. Il quitte son adolescence, qui ne plaît qu'au tout débutant, et gagne en chocolaté. Monsieur Zevief, satisfait de sa proposition, cède la place à Marcianne qui, comme toujours, nous emmène vers d'autres horizons.

Reds 1998, California red wine, de Laurel Glen, prend le cubain en mains, prémices d'une Amérique bientôt accueillante. Cumin, réglisse, zan, le soyeux d'une framboise, le petit rêche d'une groseille rouge dansent sur l'amour retrouvé. La fumée tourne en volutes alcooleuses autour des confitures et des fruits confits. Une fraîcheur sauvage se dégage des poivres du tabac et s'assombrit de la densité mate du caramel. Un étui de peau souple s'ouvre pour engloutir la finale de confiture de fruits épicés.

Des deux pointes, il ne reste que celle que l'on tète. Il fallait en arriver là, pour enfin apprécier l'impression de torréfaction et de cacao grillé. L'ogive émoussée libère dans un dernier soupir un filigrane poivre gris, signature fragile d'une vitole que l'on aurait préférée plus présente.

Cuaba, no me gusta nada

Cigare à deux pointes, ogives acérées pour quelle cible? Pas la nôtre, il n'a pas réussi à égratigner notre indifférence. Cette vitole ressemblerait-elle au prototype "nouveau style" Habano facile et léger? De celle que même les débutants délaissent, désespérés par le manque d'élégance.

Les deux vins rouges retenus pour cette dégustation, ne l'on été que grâce à leur développement de fruits gourmands et surtout d'épices qui ont donné un peu de tonus à cette baudruche.

La cible serait-elle l'Amérique du nord, en prévision du lever d'embargo. Messieurs les Américains, la bague ne fait pas le cigare, ne vous laissez pas abuser.

Havane et bouchon

Une anecdote amusante! Quand Marcianne débouche la bouteille de Reds, quelle surprise de reconnaître, imprimé noir sur liège, le faciès quelque peu patibulaire du célèbre juge Star. L'anti-Clinton, l'anti-module joue, involontairement, un rôle de vedette américaine. La tête coincée dans l'étroit couloir, nous trouvons qu'il pousse loin la reconstitution à l'identique, artefact de l'intimité de Monica. Il occupe néanmoins le goulot et pas le ... de la bouteille, ce qui le décharge un peu.

Par quel méandre, par quel hasard, cette bouteille-là arriva-t-elle sur la table, nul ne le saura ? Cet effet comique n'était en aucun cas prémédité, Marcianne n'avait encore débouché aucun flacon de ce millésime et Laurel Glen change l'effigie du bouchon chaque année. Nos histoires de cigares ont, par moments, des détours croustillants, à se fendre la pipe.

Orujo V.

CUABA

Un cigare qui fait pâle figure
Lancé voici quatre ans en Grande-Bretagne, la marque Cuaba se classe à part parmi les nombreuses différentes marques cubaines. Tout d'abord, par des formes qui reprennent celles très à la mode au 19ème siècle. Ensuite, parce que ces " figurados " (il s'agit du nom donné à ces vitoles) se montrent particulièrement légers... et semblent avait été roulés pour un marché américain habitué aux cigares de type dominicain. Anticipation de la levée de l'embargo sur Cuba ? On pourrait le croire. Ceci étant, et si nous avons regretté son manque de palette aromatique, sa linéarité et son absence évidente de consistance, ce Cuaba peut séduire tout nouvel amateur désireux de s'initier aux charmes des cigares de la plus grande île des Caraïbes. Comme pour les nouveaux amateurs de vin qui s'initieraient à la dégustation avec le Matteus...

Patrick Fiévez

 
 

Les Membres du Club recevront également, outre la revue IVV, un "news letter" reprenant conseils d'achats, revue de presse (livres, magazines) et différentes rubriques régulières (comme "les restaurants qui aiment les cigares"). Un lien unique et se voulant chaleureux pour les "aficionados" des beaux modules et des bons flacons ! Pour plus amples renseignements : vinoypuro@skynet.be

Texte : Orujo V. et Patrick Fiévez .Article reproduit avec l'aimable autorisation de
Philippe Stuyck
, In Vino Véritas

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Texte In Vino Veritas . Réalisation S. Poulart .
Mise à jour 02.02.2001