La revue belge In
Vino Véritas a crée une rubrique sur les accords
cigares/vins.
Il s'agit de la rubrique :
Vino y Puro : Chroniques fumeuses
" Trinidad "
-
Trinidad ou l'absence
de style
Il en est de ce cigare comme de bien d'autres. Hélas. Les
différences de qualité d'une boîte à l'autre
nous déconcerteront toujours. Qu'ils viennent de Cuba ou d'ailleurs.
Positionné comme " top " absolu, après un marketing
où l'on entretint le suspens, voire un certain mystère
avant sa présentation officielle au début de l'année
1998, l'unique version de cette marque nous a déçu lors
de notre dégustation mensuelle. Asséchant, austère,
voire même rustique, nous étions loin de la première
(bonne) impression laissée par ce " Fundadores " fumé
l'été dernier.
Au prix où
est vendu cette pièce, et considérant l'aura entourant
sa fabrication ( à la célèbre manufacture El Laguito
où sont également roulés les puros de Cohiba),
ce constat est franchement désolant. Pire encore : au-delà
des griefs émis plus haut, force est de constater que ce cigare
- tout au moins celui dégusté lors de cette réunion
- manquait totalement de style, d'esprit, de clarté conceptuelle.
Trinidad participe au renouveau gustatif des marques lancées
ces dernières années qui présentent des vitoles
plus aromatiques et moins rassasiantes. Dans cette conception, nous
lui préférons la ligne Vegas Robaina. Qui affiche, elle,
une meilleure constante qualitative et aussi des prix au diapason de
ses justes prétentions.
Patrick Fiévez
La grande illusion
Mon corps transi, mes doigts gourds réclament un rhum bien
tassé. Je tremble comme les trois feuilles mortes faufilées
avec effraction, au passage des bourrasques d'automne, valses vives,
dans un monde subtropical d'un bistrot aux allures de fumoir, habanera
chaude et sensuelle.
Chez Pipo rien n'est
figé et tout est immuable, paradoxe cubain qui résonne,
métallique, des accents de Secundo sortis du vieux poste à
lampes. Place à la vedette d'un soir, place au cigare.
Altier, la peau de la couleur de ces cuirs rares aux grains fins, le
Trinidad Fundadores nous trouble de sa longueur étroite sans
démesure. Son aura médiatique presque mythique focalise
les regards, excite les envies, suscite les questions. Marcianne, la
lippe en coeur pour mieux le recevoir, éclaire les visages curieux
et enflamme son amant. Les premières bouffées nées
d'un tirage aisé créent l'espace d'un instant l'illusion
du prince charmant, trois secondes crémeuses épicées
de poivre gris qui ne combleront guère un appétit rendu
féroce, envoûté des mystères du lancement.
Monsieur Zevief et Pipo confirment le verdict : qui se croyait
plus noble que l'hidalgo montre une tournure rustique et végétale,
une personnalité effacée et un manque de style flagrant.
Les bouteilles,
elles aussi impatientes, défilent, tâtent le pubère
cubain puis, avec un rien de mépris, s'en vont sans un merci.
Il faut attendre
un plus expérimenté qui peut transformer un paltoquet
en lui prêtant un peu de race et d'élégance.
Castello di Brolio, Chianti Classico 97, velours sombre presque sanglant,
animal sensuel, déroule ses trésors fruités, ses
matités d'épices, sa chaleur italienne, en un tapis dense
sur lequel elle fait danser l'hispanique. Pour qu'il chante elle dévoile
son secret, une douce friandise qui lui vient des sangiovese bien mûrs.
Voilà que la maigreur du clou prend un peu de chair, ses paupières
de cendre gris bleu s'ouvrent et montrent un oeil de braise, rouge comme
une cerise croquante, grillé comme le café torréfié.
Le voici dopé par une maîtresse en bottes de cuir. Candide,
il y brûle ses feuilles trop tendres, incorrigible légèreté
ne vaut pas son poids en fumé.
L'enseigne du soleil
veut aussi l'essayer. On se retrouve entre Sud-Américains, Tannat
99 Castel La Puebla native des environs de Montevideo prête sa
pourpre au cubain. Celui-ci plonge corps et âme dans la compote
de prune, il se frotte à l'élastique épiderme fumé
comme une couenne de lard, il s'enivre des rondeurs alcooleuses. L'Uruguayenne
ouverte l'enlasse dans ses bras épais et juteux de cassis, de
groseille. Le gris du poivre vire au noir, le Fundadores relève
un peu la tête, puis s'allonge jusqu'à trouver le réconfort
du chocolat. Gâterie que la latino laissera en souvenir de son
indulgence ; le piquant sur la langue rappellera, lui, la mesure
de sa tempérance.
Marcianne, Pipo
et Monsieur Zevief, qui croyaient passer une soirée délicieuse,
en sont pour leur compte. Pour punir l'usurpateur, ils le trempent dans
le vin doux, cela fonctionne toujours, et le font confire dans les douceurs
abricotées et miellées. Quand l'impression végétale
s'atténue presque, quand le cubain trouve le moelleux de l'oreiller
à son goût, ils lui balancent un armagnac bien paysan,
qu'on lui crame la tête!
Enfin, pour évacuer ce qu'il reste de tension, ils l'écrasent
avec délectation dans le plus vilain des cendriers.
Fidel de acuerdo
conmigo
Trinidad Fundadores, un hommage historique aux fondateurs de la première
ville cubaine. Cette évocation hispano-romantique plaira certainement
aux futurs consommateurs nord-américains de l'après embargo.
Cette vitole ne peut que leur être destinée, au pays de
la quantité sans goût, le Trinidad va faire un tabac!
Fidel Castro, certainement très conscient de la qualité
relative du jeune fundadores, n'a jamais voulu qu'il remplace dans sa
bouche l'éternel Cohiba.
Qu'à cela ne tienne, une campagne de promotion bien menée,
avec des mystères de polichinelle à la clé, en
a fait un jeune premier très attendu et vendu au prix fort.
Une question
se pose
La lecture d'un article à propos du Trinidad, paru dans un magasine
spécialisé digne de foi, nous révèle que
ce prototype de havane "next generation" apparut d'abord assez quelconque.
Puis, d'insignifiant, il devint goûteux et complexe, un véritable
puro d'amateur même confirmé.
Une question évidente se pose, n'aurions-nous pas hérité
d'un vieux stock? Si parmi vous, lectorat attentif et amateur de cigares,
quelqu'un peut nous faire part de son expérience, se sera extrêmement
bienvenu!
Orujo
Les Membres du
Club recevront également, outre la revue IVV, un "news letter"
reprenant conseils d'achats, revue de presse (livres, magazines) et
différentes rubriques régulières (comme "les
restaurants qui aiment les cigares"). Un lien unique et se voulant
chaleureux pour les "aficionados" des beaux modules et des bons flacons
! Pour plus amples renseignements : vinoypuro@skynet.be
-
Texte
: Orujo V. et Patrick Fiévez .Article reproduit avec l'aimable
autorisation de
Philippe Stuyck, In Vino Véritas
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