Dégustation du 19 novembre 1999
Verticale en rouge du Domaine
de Chevalier
Millésime 1990.
Note : 14,5 - Prix : 400 F
Teinte rubis moyennement intense, bords lumineux, d'un orangé
assez évolué
Premier nez ouvert, volubile : grillé, moka, épices
orientales, balsamique (encens) ; des nuances tertiaires animales
(gibier) se développent à l'aération ; un bouquet
déjà fondu, complexe, classieux.
Le vin déploie de belles saveurs fruitées et épicées
en bouche, mais la texture moyenne et le milieu de bouche un peu
creux trahissent une certaine dilution de la matière (problèmes
de rendement ?) ; de structure déjà fondue la bouche
termine assez court sur des notes de zan et sur la chaleur alcoolique.
La bouche, en demi-corps et dissociée, n'est pas à
la hauteur du nez superbe.
Millésime 1989.
Note : 14 - Prix : 380 F
Robe solaire, grenat brillant, en cours de dépouillement
Nez fondu, typé Graves mais témoignant aussi d'un
raisin en surmaturité : raisiné, raisins secs, sous-bois,
champignons secs, tabac, brique chaude ; on perçoit une pointe
d'acidité volatile.
Ce millésime fait également preuve d'une étonnante
légèreté en bouche, malgré la matière
très mûre, la texture manque de gras et la structure
est un peu floue. L'acidité ressort en finale, contribuant
à l'impression de dissociation
Millésime 1988.
Note : 15.5 - Prix : 300 F
Le centre du verre est encore sombre, les bords à peine orangés,
cette robe est plus intense que celles des vins précédents.
Le premier nez est moyennement intense, retenu, un peu réduit
et dominé par des notes organiques : gibier, humus, épices
; le bouquet s'ouvre lentement sur de superbes notes complexes de
grillé et surtout de pain d'épices.
La bouche fait preuve d'une concentration honorable et d'une bonne
longueur ; l'acidité marquée et la structure tannique
importante en font un vin sérieux, presque austère,
qui a de la réserve.
Millésime 1986.
Note : 15- Prix : 320 F
Robe rubis frangée d'orange, assez peu de glycérol
(jambes minces).
Premier nez assez évolué : café, fruits confits,
pain d'épices, cacao, très friandise ; un beau fruit
épicé se fait jour à l'aération, contribuant
à un ensemble complexe et harmonieux.
Après une attaque vive, la bouche se montre tannique mais
bien équilibrée ; une fois encore les chairs sont
étonnamment maigres, le manque de gras gâche un peu
le plaisir de ce vin charpenté et racé.
Millésime 1985
Note : 16- Prix : 370 F
Robe rubis homogène, solaire, plus de gras (de jambes) que
dans les précédentes.
Le nez est d'emblée puissant et racé, marqué
par un fruit riche aux arômes de cabernet (cassis, mine de
crayon) ; il s'ouvre voluptueusement sur des notes giboyeuses (lièvre),
résineuses et de marron glacé.
Fondu et parfumé en bouche, voici enfin un vin velouté
; moelleux, il se montre assez long en finale, riche mais net.
Millésime 1984
Note : 14- Prix : 180 F
Robe brune , nettement évolué (fauve) se dépouillant
même si le centre reste opaque.
L'évolution est aussi manifeste à l'olfaction ; premier
nez herbacé (feuille de cassis, herbes sèches), plus
de complexité à l'aération : viandé,
cuir, tabac, cerise à l'eau de vie. Nez de cèdre,
de sous-bois (champignon, humus), d'herbes aromatiques, qui oriente
le dégustateur vers la Gironde.
Bouche mince mais encore structurée par des tannins de qualité,
saveurs fondues, un peu vertes mais complexes. Bouche usée,
manquant de chair, présentant une certaine raideur médocaine
(plutôt rive gauche que rive droite). Vin dépassé,
sans surprise eu égard au millésime, qui aurait du
être bu depuis plusieurs années.Une réussite
pour les cabernets de Chevalier dans ce millésime ingrat.
Millésime 1983
Note : 13.5- Prix : 300 F
Robe évoluée, dépouillée, brillante,
grenat, bords brique.
Nez assez peu intense, léger sirop de cassis, des épices
mais aussi de la verdeur, peu de profondeur.
Bouche mentholée, légère, mince, assez longue
et encore tannique en finale ; ce vin austère et longiligne
est sauvé par son élégance.
Millésime 1982
Note : 12.5- Prix : 430 F
La teinte est évoluée, uniformément rouge brique.
Premier nez de poivron vert, feuille de cassis, très typé
cabernet sauvignon, avec une nuance de mine de crayon ; l'aération
n'apporte pas la complexité espérée, les senteurs
restent brutes et variétales.
La bouche se montre agressive et malgracieuse : décharnée,
dotée d'arômes puissants mais manquant de distinction,
structurée par des tannins saillants et grossiers, dissociée
et courte en finale. Une déception.
Millésime 1979
Note : 15- Prix : 380 F
Robe évoluée mais vive, dépouillée,
les bords sont fauves.
Le bouquet est fondu, assez racé, avec des notes animales
puissantes, herbacées aussi ; il s'ouvre sur l'écorce
d'orange, les épices, le café, le gibier.
Après une attaque souple, le milieu de bouche se montre riche,
soyeux ; la finale de ce vin probablement non érafflé
est vive et tannique, mais sans maigreur ni agressivité.
Millésime 1978
Note : 15.5- Prix : 380 F
Robe nettement dépouillée, la robe brune présente
des bords fauves très évolués.
L'olfaction est elle aussi très évoluée, non
sans richesse : café, tabac, sous-bois, chataîgne grillée,
cuir, ventre de lièvre. Joli bouquet tertiaire à la
bordelaise, mélangeant des notes fondues de cèdre
et de fruits à l'eau de vie.
Mince et fondu en bouche, ce vin est aromatiquement très
typé, saveurs nobles de brique chaude, de tabac, de lard
fumé qui ne sont pas sans évoquer Haut-Brion. La structure
est toute en finesse, presque évanescente, mais pas décharnée.
Un poids léger avec beaucoup de classe. Vin élégant
et assez long. La bouche développe en finesse les notes du
nez. Vin à boire, bien sûr, mais ne semble pas dépassé
et déjà terrassé par les ans.
Millésime 1975
Note : 13.5- Prix : 420 F
Couleur grenat encore intense, bords tuilés, brillant, de
belles jambes de glycérol.
Très beau fruit confit au premier nez, puis des notes de
concentration assez violentes : viandox, cèpe sec ; le bouquet
se montre plus diffus à l'aération.
En bouche, les tannins saillants et puissants caractéristiques
du millésime dominent les sensations tactiles et rétro-olfactives,
le volume du vin est pourtant intéressant ; la finale est
nettement dissociée entre l'amertume des tannins et la chaleur
de l'alcool. Même s'il est concentré et encore bien
vivant, ce 75 procure une dégustation assez rébarbative.
Millésime 1970
Note : 15.5- Prix : 700 F
Robe brillante, offrant un très beau dégradé
du rouge brique central aux bords ambrés, assez visqueuse.
Bon volume olfactif, de la complexité dans ce bouquet fondu
: épices douces (clou de girofle, canelle), cuir, gibier,
tabac blond.
On sent la maturité du millésime en bouche, de la
richesse et du moelleux ; les saveurs s'expriment bien dans cet
ensemble harmonieusement évolué, sec en finale, de
belle longueur.
Synthèse :
Ces vins semblent plus limités par leur manque de volume
et de chair que par leur distinction intrinsèque. En effet,
les gammes aromatiques se montrent le plus souvent complexes, articulées,
racées et surtout caractéristiques de leur appellation.
Qui plus est, ces bouquets remarquables émergent sans peine
après quelques années d'un élevage à
forte proportion de bois neuf. C'est donc ce problème récurrent
de concentration qui fait que, dans l'ensemble, les vins rouges
du Domaine de Chevalier doivent se contenter de notes relativement
modestes. On remarquera que certains "grands" millésimes
sont décevants (90, 89, 82, 75), alors que des millésimes
plus difficiles se montrent pleins de charme (84, 79, 78). Au terme
de cette dégustation, on peut conclure que globalement sur
les décennies soixante-dix et quatre-vingt, le Chevalier
rouge n'atteint que rarement la grandeur du Chevalier blanc.