Dégustation du 19 décembre 2001 Le millésime 97 à BordeauxQuelques commentaires de contexte : Les vins ne sont pas
dégustés à l'aveugle
Carafage préalable.
Nombre de dégustateurs
: 16
DS : Didier Sanchez
- PC : Pierre Citerne.
Château Cheval Blanc 97 : DS16 vers 15,5
PC15. Note moyenne : 15,5
Robe tendre et un peu
mate, rubis moyennement intense.
Nez harmonieux et ouvert,
partagé entre un gracieux fruit confituré, nuancé
dépices douces par un boisé suave, et
une animalité déjà très affirmée,
sur le gibier à plumes et le fumé.
Attaque particulièrement
souple, volume très moyen, très peu daccroche
tannique, harmonieux et de saveur distinguée malgré
sa faible ampleur. Finale acidulée et plutôt
abrupte, avec cependant une belle rémanence aromatique
réglissée. Elégante et accorte, cette
bouteille semble prête à boire ; elle contente
le dégustateur sans lémouvoir ni lui parler
du terroir.
Château Ausone 97 : DS17.5 vers 18
PC17,5. Note moyenne : 17,5
Robe beaucoup plus dense
et intense que la précédente, visqueuse, centre
impénétrable et bordure encore violacée,
pleine de jeunesse.
Nez puissant, affirmant
demblée originalité et transparence du
terroir ; cest le fruit qui domine, profond et juvénile,
mûre et pivoine, on perçoit aussi des notes affirmées
de goudron, de fumé, de cacao, des soupçons
de camphre et de menthol. La complexité nest
que naissante, mais la race et le naturel sont remarquables.
Juteux, ample et structuré,
le vin montre une matière concentrée, tendue
par des tannins présents mais très fins, un
fruit insolemment jeune comparé à celui de Cheval,
un équilibre parfait et une indéniable allonge.
Cest certainement le vin qui, par sa vitalité,
trahit le moins la faiblesse du millésime, et celui
qui exprime pour linstant le mieux ses origines.
Pétrus 97 : DS16 vers 16,5
PC15,5. Note moyenne : 16
Centre rubis dense,
teinte mate, bords grenat.
Premier nez fumé,
réglissé, avec une pointe herbacée ;
plus expansif à laération, le vin libère
un puissant bouquet, sanguin, humique, avec du café
grillé et du cacao.
Matière dense,
ronde et veloutée qui impose une grosse présence
en bouche, le fruit généreux, moelleux, présente
une étonnante sucrosité, la finale dune
longueur modérée laisse ressortir lalcool.
Château La Mission Haut-Brion 97 : DS15 vers 14,5
PC14. Note moyenne : 14,5
Robe tendre et plutôt
terne, avec des traces orangées dévolution.
Le nez est dominé
par des notes herbacées de cabernet pas très
mûr, thé vert, feuille de cassis, poivron vert
; laération libère des senteurs fines
dencens, de fumé, de viandé.
On retrouve en bouche
la verdeur aromatique des cabernets ; matière mince,
légère même, marquée par lacidité
mais qui conserve heureusement une élégance
naturelle.
Château Haut-Brion DS17 PC16
vers +. Note moyenne : 16,5
Rubis dune belle
profondeur, robe plus dense, plus homogène et plus
brillante que celle de La Mission.
Bonne intensité
olfactive, déjà expressif, délicieux
fond de confiture de framboise, notes puissantes de café
grillé et de fumé qui évoluent vers des
notes de tabac, de brique chaude, et de viande fumée
si typiques de Haut-Brion.
Plein, sapide, sans
verdeur, très agréable rondeur du corps ; la
finesse du grain et lharmonie sont remarquables mais
la complexité aromatique gustative est encore modérée.
Typicité naissante sur une matière harmonieuse,
on ne sent pas les travers du millésime.
Château Latour 97 : DS15 vers ?
PC14,5 vers ?. Note moyenne : 15/14,5
Robe mate, pas opaque,
uniformément rubis avec une bordure orangée.
Nez marqué par
le cabernet (feuille de cassis) et surtout par le bois (café
fortement torréfié), laération
induit une tonalité nettement organique (poulailler),
avec des notes dhumus et de noix. Le verre vide sent
la planche, la scierie.
La matière semble
solide malgré une certaine minceur, vigoureuse mais
peu amène, marquée par des tannins présents
qui paraissent secs (et sur lesquels repose paradoxalement
lavenir du vin).
Château Lafite Rothschild 97 : DS16,5 vers 17
PC16 /16,5 vers +. Note moyenne : 16,5
Robe assez dense, bords
rubis jeune.
Nez plutôt intense
mais peu causant au premier abord, voilé par une note
cartonneuse ; il souvre lentement sur un ensemble pénétrant
composé de cacao, de graphite, de menthol
Dense, corps séveux
bien plus concentré que celui de Latour, corseté
par des tannins abondants et surtout très fins, saveur
profonde de cabernet émaillée de graphite et
de suie, finale vraiment racée, fraîche et tranchante.
Lenthousiasme serait complet sil ne subsistait
pas tout au long de la dégustation un doute, certes
fugace, intermittent, quant à la netteté aromatique
(bouchon ?).
Château Margaux 97 : DS16 vers 15,5
PC15. Note moyenne : 15,5
Robe brillante, assez
dense et profonde.
Le nez ne semble pas
encore en place, il offre un fruit relativement intense de
cabernet, sur la feuille de cassis et la floralité,
juxtaposé à un boisé très présent,
grillé.
La matière est
charnue, séveuse, harmonieuse mais moyennement concentrée,
les notes grillées et lactiques de lélevage
dominent lexpression aromatique. Le vin est certes bien
fait et plaisant, mais comme dans le cas de Cheval Blanc,
on reste frustré que de tels noms, de tels terroirs,
se contentent de proposer ce genre de vin, sans véritable
panache, ni ampleur, ni discours, retranché dans la
commodité et le confort dun élevage rondement
mené qui contentera la majorité.
Château Mouton Rotschild 97 : DS14,5
PC14,5. Note moyenne : 14,5
Robe relativement profonde
et dense, avec des reflets grenat.
Nez dominé par
le bois grillé, séchappe de la gangue
un joli fruit fumé et un peu exotique, confituré,
de la crème de cassis et du lard fumé.
Charnu et sapide jusquen
milieu de bouche, agréablement épicé,
mais la matière un peu étriquée ne peut
cacher en finale la sécheresse de ses tannins boisés.
Conclusion 1997 est un millésime
réputé difficile. On sent en effet que la majorité
des châteaux dégustés ce soir disposaient
au cuvier de matières relativement modestes, ni très
mûres, ni très concentrées. On a le sentiment
que cette matière première, si elle na
pas été exagérément sollicitée
lors de la vinification (nous navons pas été
confrontés à des vins surextraits), a en revanche
parfois été submergée par un élevage
en bois neuf prolongé censé faire office de
cache-misère (Latour, Mouton, Margaux et à un
degré moindre Cheval Blanc). Au vu du potentiel de
vieillissement douteux de ces vins, on peut se poser la question
de lopportunité de tels choix.
Seuls Ausone, Haut-Brion
et Lafite semblent dignes de leur rang et présentent
une indiscutable aptitude à se conserver et même
à se bonifier. Ausone domine la dégustation,
avec un vin éblouissant dintensité, de
spontanéité et de distinction. Pétrus
paraît lui aussi réussi, même sil
ne possède pas la race aromatique et structurelle des
trois vins précédents.
On notera enfin que
lhétérogénéité qualitative
des ténors du Bordelais augure mal de la qualité
des autres crus dans ce millésime.
Contacts : Didier Sanchez Le Bois Grand 31810 Clermont Le Fort Téléphone : 05 61 76 77 16 Fax : 05 61 76 95 55 Mél : invinoveritas@online.fr (Didier Sanchez) laurent.gibet@cnes.fr (Laurent Gibet) Nous attendons de vos nouvelles! |