Un soupir, je m'échappe enfin de l'atmosphère bleutée de l'hiver. La porte du bar "Chez Pipo" franchie, j'échange la chape lourde des nimbus chargés contre la turbulence cubaine d'un Sancho Panza. Je suis en retard, la strate horizontale mince des premières bouffées divise déjà la petite salle en deux parties.

Au-dessus musique et ocre, en-dessous concentration et rouge passion, le Molinos livre ses premiers secrets de cannelle, de muscade et de poivre gris.

D'une main sûre, Monsieur Zevief saisit la première, Sancerre 1997 les Herses de chez Gitton à Ménétréol et sert ses compagnons. Le liquide doré vert clair amène rapidement un verdict, sauvignon atypique qui ne dégage pas l'habituel arôme feuille de cassis mais de l'agrume confit. En bouche, la minéralité importante se couvre de la douceur d'un gras ample.

La fumée vient y piocher quelques noisettes qui croquent presque sous la dent. Des épices douces, torréfiées, fusionnent en pain d'épices. Le cigare au pied un peu sec trempe ses orteils avec délices dans le glycérol généreux. Les ailes du moulin tournent sans accroc.

Monsieur n'en reste pas là. Heureux de l'effet produit, a contrario de sa réputation, il sert son deuxième vin. Rose violacé, le Coteaux d'Aix Pont Royal Grande Cuvée 1998 emplit les verres.

Le havane ouvre sa cape aux gelées de framboises et de groseilles, y mêle son moka. La structure et la puissance de l'ensemble impressionnent, ce rosé n'est pas une fillette. Le cacao grillé et le fumé annoncent la finale cuir de cet accord viril, adouci d'un pétale de violette.

Pipo, enthousiaste, devient Don Quichotte au service du Château Hureau 1997 Cuvée Lysagathe. Le jus de cerise noire offre ses épices aux nez intrigués, ses tannins accrocheurs aux papilles dubitatives.

Le cigare ne s'attendait pas à présence aussi forte et boude dans un premier temps le vin. C'est chacun chez soi, dos à dos. Puis, on se regarde, on se sourit. La vitole devient crémeuse, s'épice en douceur. L'abricot et la pêche terminent, subtils, une rencontre débutée par une opposition franche.

Le Beau Ric sera le plus sage et le plus attentionné pour un cigare qui entame son troisième tiers. Un Grenache Shiraz Four Sisters 1997 de la Mc Laren Valley amusera les nez amis de son laurier, sa cerise mûre, son cacao et sa réglisse.

Pour le grand brûlé, un cataplasme de fruits rouges et noirs. Un baume de tannins souples et gras. Une impression de légère sucrosité pour son âme encore puissante. Tout pour apporter rafraîchissement et rondeur aux muscles épicés de Cayenne et de poivre noir. Les peaux tannées de soleil ont le cuir dur.

Pour le deuil, il a même prévu quelques fleurs sèches, une robe grenat sombre de circonstance, l'Amarone della Valpolicella 1996 de Masi terminera cette séance. Le havane ne s'en ira pas anonyme. Moribond, il retrouve son animalité et transforme le fruité délicat de l'Italien en confiture d'airelle, goûteuse, un rien amère. Tannins policés, amandes effilées, biscuits au beurre forment un linceul élégant qui se gonfle du poids de la fumée. (*)

Le Molinos Sancho Panza n'est plus.

A Marcianne qui n'était pas là.

(*) Le poids de la fumée, comment le calculer ?

Pesez votre cendrier bien propre (a) et votre cigare éteint (b).

Allumez votre vitole, ne jetez pas l'allumette dans votre cendrier. Déposez avec précaution les cendres dans votre cendrier sans en égarer la moindre parcelle. Il y va de l'exactitude de la mesure. Attention aux courants d'air.

Lorsque le cigare arrive à sa fin, écrasez-le dans votre cendrier et laissez-le là.

Pesez l'ensemble. Vous obtenez un poids égal à (c).

Calculs: (a + b) - c = p

(p) est le poids de la fumée. On dit aussi p comme "pomme" ou "pigeon", ce sont des synonymes très employés.

Ce "lonsdale" est devenu le chéri-chouchou de nombreux amateurs réputés pourtant être très pointus en matière de cigares et de Havanes en particulier. Tout d'abord, ce cigare bagué Sancho Panza, demeure sans doute un des plus harmonieux de toute la gamme cubaine. Ensuite, et cette qualité est loin d'être négligeable, ce module présente une rare régularité qualitative : un élément porteur quand l'on connaît - hélas ! - l'irrégularité de certains cigares que nous affectionnons pourtant.

Son attaque en début de combustion peut dérouter certains. Mais très rapidement, il calme le jeu tout en apportant une note rassasiante sans agressivité. Goûteux : voilà sans doute le meilleur des qualificatifs à donner à ce cigare attachant.

Un nouveau Club, vraiment unique, existe désormais en Belgique: Vino y Puro: en français, "Vin et Cigare".

Ce Club, de conception inédite, souhaite réunir tous les amoureux de grand cigare et de vins. L'idée est simple : rassembler autour de ces produits de la terre sublimés par l' homme, des passionnés qui se retrouveront à l'occasion de manifestations résolument originales autour du "Vino" et du "Puro".

Chaque mois, dans In Vino Veritas, vous retrouverez une rubrique dédiée à cette association pouvant être réellement magique.

Mais au-delà de cette double dégustation, de ces accords inédits effectués par un jury passionné et compétent, le Club "Vino y Puro" est ouvert à tous. Nous vous proposerons ainsi, au fil des mois, différentes manifestations comme des repas-dégustations (avec, bien sùr, les vins et les cigares préalablement sélectionnÈs par notre jury, en parfaite harmonie ou en contraste détonnant) mais aussi des voyages.

Les Membres du Club recevront également, outre la revue IVV, un "news letter" reprenant conseils d'achats, revue de presse (livres, magazines) et différentes rubriques régulières (comme "les restaurants qui aiment les cigares"). Un lien unique et se voulant chaleureux pour les "aficionados" des beaux modules et des bons flacons ! Pour plus amples renseignements : vinoypuro@skynet.be