La revue belge In Vino Véritas a crée une rubrique sur les accords cigares/vins.
Il s'agit de la rubrique :
Vino y Puro : Chroniques fumeuses
" Partagas Churchills de Luxe "
 
Un macho

Un ciel bleu, une petite douceur agréable de fin de journée, un encouragement à la promenade. Il faut que j'aille chez Pipo ! Il me faut retrouver l'atmosphère particulière du petit bistrot qui devient fumoir. Partager ce moment particulier en spectateur privilégié. Attirance ou dépendance ? Mais m'y voilà, je m'assois discrètement, la séance commence.
Assez dissipée d'ailleurs. Marcianne, les bras chargés de vins blancs, nous est revenue. Ce qui suscite pas mal de conversations à bâton rompu. Il faut toute l'autorité de Pipo pour rappeler son petit monde à l'ordre. Chacun se précipite sur son Partagas.
Le Partagas Churchills de luxe exprime tout de suite sa puissance, juste tempérée de crémeux. Un léger piquant de départ disparaît quelques bouffées plus tard.
Est-ce le caractère ombrageux du personnage ou le choix pourtant excellent des vins, mais les quelques essais blancs de Marcianne ratent immanquablement. La vitole imbue de sa force n'en veut pas.
Avec un grand sourire compatissant, les trois hommes sortent leurs rouges. Musique maestro ! Place aux "pieds nickelés".
Première salve, la Barbera d'Alba 98 de Voerzio, véritable jus de cerise mêlé de kirsch, au boisé sans excès, parfumé de crème de réglisse, lance ses filets.
Ce vin d'une sensualité folle, à l'image du Beau Ric, aguiche le cigare et gomme sa rugosité. Avec plaisir, il croque le fruit, lèche le sirop de gentiane, desserre sa ceinture de cuir pour donner à la belle quelques cristaux de sel, remerciement machiste.
En pleine forme, au top de sa puissance rustaude, diésé du crémeux, il attend le deuxième tir.
La Rioja Cune 96, de Monsieur Zevief, distille son philtre de plantes de montagne, anisé et compoté de pruneaux au menthol. Cune n'arrêtera pas la progression inexorable du Partagas. Mais elle s'en fiche, elle connaît sa fin révélée par le marc de café. Alors, elle profite de l'instant. La couche minérale offre un nid chocolaté constellé de fruits secs où la noisette et la cerise confite dominent. En maître, le tabac se délecte de la petite acidité, laisse un peu de son poivre et un souvenir un rien rêche.
Le Churchill ne faiblit toujours pas.
Pipo, propriétaire éclairé, jette La Domitia 97, Côtes du Roussillon de Laporte, dans les griffes du cubain.
La robe pourpre violacé sombre s'envole et trouble l'assemblée. Le parfum capiteux de rose, d'iris, et de lys grise le cigare. La liqueur de mûre et de gentiane le saoule. Une chair tendre, onctueuse, piquée de graines de coriandre, de cardon, de thym jette bas la cape de luxe, fourrage la tripe. Accord sauvage, animal. Les cailloux éclatent sous l'étreinte, des pâtes de fruits noirs s'en échappent et coulent sur le goudron. Pipo est fier !
Ah, les mecs et leurs petits bouts rouges, pardon, leurs petits coups de rouge.
Mais ils en veulent encore ! Jusqu'à la dernière cendre. Le cigare enfin essoufflé et satisfait voudrait s'endormir. Pour le ranimer, ils sortent le galvaudé Armagnac, un vrai de vrai, un paysan à l'humeur explosive. C'est réussi ! Tout a cramé !

 

Fumisterie

Au fil des rencontres, nous nous rendons compte que nos séances cigare-vins tiennent pour certains du plus grand sacrilège. Massacre pur et simple d'un produit de haute qualité, le vin.
Comment est-il possible de fouler aux pieds le nectar des dieux !
D'enfumer, tel un hareng, la plus belle et la plus prestigieuse des boissons.
N'appelez plus cela chroniques fumeuses mais FUMISTERIE !
Le comité de dégustation de chez Pipo vous remercie de ce soutien inespéré. Nous avons demandé récemment de ne plus fumer pendant la dégustation. Il est, en effet, très désagréable de se faire corrompre les sens par les rejets bleu-gris de ses voisins de table. Vue, odorat, goût se matelassent d'une épaisseur grandissante de fumée et transforme la pièce en une baudruche extravagante. Chaque bouche fume telle la chaudière d'une locomotive, rafraîchie régulièrement par une rasade blanche, rose, rouge, ... il faut éviter l'explosion.
Conscient de cet envahissement, nous avons nommé au sein de notre petit groupe un représentant pour défendre le bien fondé de cette requête, ne plus fumer. Nous irons jusqu'à la grève s'il le faut, pire, nous formerons un syndicat.
Vous voyez, chers lecteurs, vers quelles pensées extrémistes nous nous dirigeons et cela pour le bien de tous !
Pipo, nous a reçu. Il a même écouté avec attention la plaidoirie virulente de notre délégué.
Sa réponse fut simple : Messieurs, vous oubliez une seule chose, la raison première de nos réunions.

Post scriptum

Notre rubrique s'adresse en premier aux fumeurs de cigares qui acceptent ou non ce type de mariage. Mais le dégustateur de vin ne doit pas se sentir rejeté ou obligé de retenir cette option quelque peu, je l'accorde, insolite. On y pêche ce qu'on veut !
Le petit mot d'une lectrice traduit bien notre désir ou notre ambition. Le voici :
" Ce matin, j'ai découvert dans In Vino Veritas l'accord cigare-vins. A vrai dire, je ne pensais pas que cela puisse être possible. Mais, je ne fume pas et encore moins le cigare (dont j'aime l'odeur). Mais, à la lecture de l'article, on aurait presque envie d'essayer ! . Un grand merci pour votre "fumeuse" idée d'accord qui m'ouvre des horizons nouveaux. " Sylvette Jauffret, Château Pont-Royal, Coteaux d'Aix

Orujo V.

Partagas Churchills de Luxe

Cette marque mythique, voire même légendaire, a été fondée à La Havane en 1845 par un Catalan, Jaime Partagas. Aujourd'hui, avec un choix de vitoles impressionnant, l'entreprise de la calle de la industria (visitée tous les ans par de nombreux touristes) offre aux amateurs pointus un goût qui lui est propre. Si l'on devait évoquer les cigares de Partagas par un seul mot, celui-ci serait " puissance ". Avec ce Churchills de Luxe, on retrouve toute la philosophie Maison. Belle cape (maduro), assez grasse, excellent tirage, notes épicées et complexité aromatique. Un cigare racé, à la forte personnalité, et plutôt conseillé aux connaisseurs avertis.

Patrick Fiévez

 

Les Membres du Club recevront également, outre la revue IVV, un "news letter" reprenant conseils d'achats, revue de presse (livres, magazines) et différentes rubriques régulières (comme "les restaurants qui aiment les cigares"). Un lien unique et se voulant chaleureux pour les "aficionados" des beaux modules et des bons flacons ! Pour plus amples renseignements : vinoypuro@skynet.be

Texte : Orujo V. et Patrick Fiévez .Article reproduit avec l'aimable autorisation de
Philippe Stuyck
, In Vino Véritas

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Texte In Vino Veritas . Réalisation S. Poulart .
Mise à jour 02.02.2001