Saint Joseph
La puissance et l'élégance

par Jacques Dupont

Sa révolution, saint-joseph l'a faite dans les années 90. Bien avant que des poussées de fièvre sur les marchés export provoquent colloques et comités, commissions et comptes rendus. Grosso modo, les vignerons d'ici se sont inspirés du vieux précepte : un petit chez-soi vaut mieux qu'un grand chez les autres. Aussi ont-ils drastiquement organisé une révision à la baisse de leur aire d'appellation. L'idée était la suivante. On peut avoir sous une même étiquette des goûts différents, des vins d'expressions variées recouvrant une diversité intéressante de terroirs, mais pas trop. Autrefois, saint-joseph était un joyeux éparpillement de goûts et de densités. On pouvait y trouver des vins à boire quasiment dans l'année, comme des rouges qui rappelaient par leur complexité la côte-rôtie. En 1956, l'obtention de l'appellation d'origine contrôlée avait permis de maintenir la vigne dans cette région où le paysan a toujours oscillé entre l'arboriculture (les abricots, notamment), le maraîchage et le raisin.

Cure d'amaigrissement
Beaucoup, dans la région, se souviennent de l'époque - les années 70, avant que les côtes-du-rhône du Nord deviennent à la mode - où le kilo d'abricots se négociait plus cher qu'une bouteille de saint-joseph ou de cornas ! En 1969, une extension mal préparée de la zone d'appellation introduisait dans celle-ci des parcelles qui n'auraient jamais dû y figurer et qui, à terme, compromettaient son image. Pour résumer, saint-joseph est un vin qui trouve sa subtilité et son corps sur les pentes et les coteaux qui bordent la vallée du Rhône et pas au-delà, sur les plateaux où climat, ruissellement des eaux, expositions et sols sont très différents. Au milieu des années 90, après quelques discussions, il fut décidé par les vignerons qu'une nouvelle délimitation plus restrictive serait demandée à l'Inao. Saint-joseph a alors subi une cure d'amaigrissement, passant de 7 000 hectares à 3 500 environ. Il s'agit là de surfaces potentielles, car tout n'était évidemment pas planté. Cette décision s'est accompagnée de mesures de temporisation qui laissent le temps à ceux qui avaient planté dans les zones déclassées de se réinstaller à l'intérieur du nouveau périmètre. « On est aujourd'hui à près de 800 hectares plantés et les droits de plantation annuels sont limités à 30 hectares. Ce n'est pas plus mal, car, avec une croissance trop rapide, on n'arriverait plus à maintenir la qualité et à valoriser nos vins », explique Joël Durand, actuel patron de l'appellation. « L'ancien président Cornu-Chauvin nous avait placés sur une bonne route, en travaillant notamment sur les rendements limités. Il ne fallait pas changer grand-chose. Nous sommes partis sur une communication différente pour se raccrocher au terroir. »

Les cours et la qualité grimpent
Les vignerons ont ainsi créé des « îlots vitrines », bien visibles depuis la route nationale, de belles parcelles rachetées par une organisation foncière et confiées aux caves coopératives de Saint-Désirat et Sarras. « Le but était de stimuler l'envie de cultiver de nouveau les coteaux. Les gens qui décident d'y aller bénéficient de droits de plantation supplémentaires. » Apparemment, le système fonctionne. Depuis l'implantation des îlots vitrines, les coteaux redeviennent peu à peu des vignobles, les cours grimpent, la qualité aussi. Dégustés à l'aveugle, les vins de cette appellation se révèlent très homogènes. Peu de canards boiteux, quelques excès de boisé - le millésime 2000 semble mal le supporter -, comme partout aujourd'hui, et surtout des cuvées très proches. Après, c'est affaire de goût. L'appellation est étendue et les terroirs varient : certains vins insistent sur la puissance, d'autres sur l'élégance...

Fiche signalétique
SURFACE : 795 ha.
SITUATION : le Chili rhodanien. Il s'étend tout en longueur sur la rive droite du Rhône, de Chavanay au nord à Guilherand au sud, sur plus de 50 km.
SOLS : schistes et gneiss avec parfois des sables grossiers sur un socle granitique. Coteaux exposés sud/sud-est.
CÉPAGES : syrah en rouge, roussanne et marsanne en blanc.

MILLÉSIMES :
2001 : un mois de septembre froid, plus favorable aux blancs. Les blancs ont conservé de l'acidité, donc de la fraîcheur et du fruit.
2000 : peu d'acidité, des vins assez gras, notamment en blanc, qui se font rapidement et qui nécessitaient peu de bois neuf dans l'élevage pour ne pas les alourdir.
1999 : le vent du Nord en septembre a concentré les baies. Des degrés assez élevés mais équilibrés par des tanins puissants, parfois un peu rustiques, des arômes confits, limite garrigues.
1998 : année de vivacité, petits rendements, en rouge des tanins serrés.

BON USAGE : pour les rouges, viandes en sauce, gibiers, civets, jambon fumé, champignons... Servir à peine plus chaud qu'un bourgogne, vers 16 degrés. En blanc, apéritif, fromages, comté, beaufort, époisses, même les pâtes persillées, charcuterie, poisson grillé aux herbes.

REMARQUE : saint-joseph, dans la hiérarchie des côtes-du-rhône, fait partie du haut du panier. Au même rang que côte-rôtie, saint-péray, petite appellation voisine consacrée aux blancs tranquilles et effervescents, hermitage ou, au sud, gigondas et châteauneuf-du-pape. Un degré en dessous, on trouve les côtes-du-rhône villages suivis du nom (cairanne, rasteau, etc.), puis les côtes-du-rhône villages sans nom ajouté, puis, tout en bas, le côtes-du-rhône simple.

Jean Gonon, 37 ans, et Pierre Gonon, 33 ans.« On s'était dit : si ça marche pas, il y en a un qui partira. Nous, ça s'est vraiment fait par hasard. Moi, je travaillais dans un hôtel à Londres, je suis revenu pour aider mon père ponctuellement et je suis resté. Quand Pierre est revenu de l'armée, on s'est mis à travailler ensemble, en 1988. Mon grand-père avait deux bouts de vigne, il était secrétaire de mairie. Pierre s'occupe plus des projets et moi du jour le jour. Finalement, on fait beaucoup de choses ensemble. On a 2 hectares de blanc, un quart de notre surface, c'est beaucoup dans cette appellation. »

Joël Durand, 37 ans, et Eric Durand, 30 ans.« On nous appelle Duran/Duran, clin d'oeil au groupe de rock des années 80. Eric est plus en cave et moi je m'occupe aussi du syndicat, je suis président de l'appellation depuis février 2000. De fait, il n'y en a qu'un qui bosse... Eric a remplacé mon père dans le GAEC en 1996. On était dans les abricots au départ. Quand on a vu, en 1988, que le négoce cherchait du vin et qu'on peinait à vendre nos abricots, on a planté sur des terres qu'on a pu louer ou acheter. On a commencé la bouteille en 1991 et on s'est lancés en 1994. »

80 vins dégustés à l'aveugle
ROUGES
MILLÉSIME 2001

14,5 - Thierry Farjon- Morzelas - 42520 Malleval 04.74.87.16.84
Une cuvaison longue et égrappée donne ce joli vin au nez de violette, réglisse, encore un peu gazeux quand nous l'avons dégusté (avant mise en bouteilles), mais d'une bonne longueur en bouche. 9,15 euro.

MILLÉSIME 2000
17 - Pierre Coursodon- 07300 Mauves 04.75.08.18.29.
L'Olivaie. Nez de rose rouge, floral, frais en bouche, tendre, élégant, tanins soyeux, long, belle qualité de tanins, délicat et solide. 14,50 euro.
Le Paradis Saint-Pierre, 16,5. Nez puissant d'épices, réglisse, lilas, attaque ronde bouche qui se resserre en finale, très long. Grand potentiel, vin de garde. 15,20 euro.
Aussi cuvée normale, 14, nez de fraise et de cerise, note cannelle, bouche aux tanins un peu serrés, du fruit, la rondeur devrait venir après deux ans en bouteille. 11 euro.

16 - Eric et Joël Durand -07130 Châteaubourg 04.75.40.46.78.
Les Coteaux. Poivré, puissant, profond, bouche souple, bien garnie, réglissée, élégante mais sans faiblesse, charmeur avec du fond. 12 euro.

16 - Pierre et Jean Gonon - 07300 Mauves - 04.75.08.45.27.
Joli nez floral, rose, bouche tendre, souple, tanins soyeux, fraîcheur, fruit, élégance sur une trame solide. 10,50 euro.
Les Gonon ont aussi un des plus beaux blancs de l'appellation, mais, hélas, cela se sait. Le 2000 est déjà épuisé, tentez le 2001 que nous avons dégusté sur place : un bijou.

15,5 - De Boysset-Chol - 42410 Chavanay 04.74.87.23.45.
Les Rivoires. Boisé encore prenant, en cours d'élevage au moment de la dégustation, bouche fruitée, riche, complexe, vin charnu et élégant à la fois. 14,50 euro.

15,5 - Cave de Sarras -07370 Sarras 04.75.23.14.81.
Domaine de la Garenne. Nez de violette, rose, pivoine, puissant en bouche, large, beaucoup de mâche, encore brut d'élevage. Attendre deux ans qu'il s'affine. 10,74 euro.

15,5 - Les Vins de Vienne - 38200 Seyssue 04.74.85.04.52
Nez réglissé, puissant, cerise confite, bouche très dense, concentrée en arômes et en tanins. Très bon potentiel, vin à ne pas toucher avant trois ans. 10 euro.
On s'est moins passionné pour la cuvée L'Arzelle, 14, l'excès de boisé lui donnant une touche d'amertume en finale, du moins à ce stade. 14,50 euro.

15 - Domaine Courbis Route de Saint-Romain 07130 Châteaubourg 04.75.81.81.60.
Les Royes. Nez floral, vanille, rose rouge, rond, souple, le boisé domine un peu à ce stade mais un bon fond de vin, une qualité de tanins qui devrait assurer l'avenir. 17 euro.

15 - Domaine Pierre Gaillard - Lieu-dit Chez Favier 42520 Malleval 04.74.87.13.10.
Clos de Cuminaille. Boisé discret, floral, pâtisserie, fruits cuits, bouche fine, douce, bien ronde, tanins de qualité. 14 euro.
Aussi cuvée Domaine, 14,5, floral, tanins souples, bien équilibré, beaucoup de fruit, vin gourmand. 10 euro.

15 - Delas Frères -Z. A. de l'Olivet - Saint-Jean-de-Muzols - 07302 Tournon 04.75.08.60.30.
Les Challeys. Joli nez où se mélangent le grillé et les fruits noirs, bien rond en bouche, gras, équilibré, dense, très séducteur. 11,48 euro.

15 - Domaine Georges Vernay - 1, route Nationale 69420 Condrieu 04.74.56.81.81.
Nez de violette et de rôti, bien ouvert au nez, bouche sur le fruit, gras, épicé, puissant, long, un charme rustique, beaucoup de fruits. 14 euro.

14,5 - Domaine Combier - 26600 Pont-de-l'Isère 04.75.84.61.56
Nez boudeur, bouche ronde, bien dense, tanins solides, bien fruité, un style classique mais bien exécuté. 13 euro.

14,5 - Gabriel Meffre - 84190 Gigondas 04.90.12.32.21.
Domaine de la Couthiat. Nez fraise et violette, assez fin, bouche souple, veloutée, petits tanins ronds, bon fruit, déjà très agréable. 8,60 euro.
Aussi Laurus, 13,5. Nez floral, bouche très fruitée, des notes mangue un peu exotiques, une longueur moyenne, mais un vin bien équilibré. 9,90 euro.

14,5 - Cave de Saint-Désirat - 07340 Saint-Désirat 04.75.34.22.05.
Cuvée des Mariniers. Nez épicé, qui s'ouvre sur le floral à l'aération, rond en bouche, tanins délicats, bien travaillé pour préserver le soyeux et le fruit. On pourra le boire jeune à condition de le carafer. 8,10 euro.

14 - Pascal Jamet - RN 86 - 07370 Arras-sur-Rhône 04.75.07.09.61.
Nez épicé, bouche bien fruitée, un peu vive mais assez élégante, à boire assez jeune. 7,60 euro.

14 - Domaine François Villard
Montjoux - 42410 Saint-Michel-sur-Rhône 04.74.56.83.60.
Reflet 2000. Nez vanillé, bouche dense, puissante, tanins serrés un peu rugueux, matière riche un peu dominée par un boisé prenant. 22,87 euro.

MILLÉSIME 1999
16,5 - Delas Frères Z. A. de l'Olivet - Saint-Jean-de-Muzols - 07302 Tournon 04.75.08.60.30.
Sainte-Epine, cuvée réalisée certaines années seulement. Un nez de lilas un peu fermé, une bouche très structurée, tanins peu fondus, un vin austère à ce stade mais bien équilibré, sans astringence, à garder. 20,64 euro.
Et François de Tournon,

16. Nez puissant de fruits confits et de violette, bouche dense, serrée mais sans aspérité, tanins onctueux et serrés. Beau potentiel. 14,04 euro.

15,5 - Cave de Saint-Désirat 07340 Saint-Désirat 04.75.34.22.05.
Ex-Septentrio. Epices, vanille, fruits cuits, bouche soyeuse, élégante et sans faiblesse, bien dense et dotée d'un fruité généreux. Réussite. 10,20 euro.

15 - Chapoutier 18, av. du Docteur-Durand - 26600 Tain-l'Hermitage 04.75.08.28.65.
Les Granits. Boisé et fruits confits, bouche mentholée, très puissante, beaucoup de matière et un boisé un peu trop présent.
A attendre. 46 euro.

MILLÉSIME 1998
15,5 - Cave de Sarras 07370 Sarras 04.75.23.14.81
Domaine de Bonarieux. Nez fermé, boudeur, bouche vive, tonique, en finesse, bonne longueur, fraîcheur et fruit. A carafer. 11,50 euro.

BLANCS
MILLÉSIME 2001
17 - Pierre GaillardLieu-dit Chez Favier 42520 Malleval 04.74.87.13.10.
Epices douces, mirabelle, gras, riche,complexe en saveurs, équilibré, un régal. 14 euro.

15,5 - Domaine Bernard Gripa 07300 Mauves 04.75.08.14.96
Nez de citron vert, pomme, rond en bouche, très minéral, frais, long, structuré, très fin, à ne pas boire avant un an. 11 euro.

15 - Thierry FarjonMorzelas - 42520 Malleval 04.74.87.16.84.
Joli nez de poire, fleurs blanches, bouche ronde, grasse, des notes de thym frais, bonne longueur. 7,65 euro.

MILLÉSIME 2000
15,5 - Cave Yves Cuilleron Verlieu - 42410 Chavanay 04.74.87.02.37
Le Lombard. Nez ananas, citron vert, bouche en finesse, mentholée, bien fruitée, bonne vivacité, joli vin d'équilibre. A boire dans un an. 13 euro.

15,5 - Cave de Tain 26600 Tain-l'Hermitage 04.75.08.20.87.
Nobles Rives. Joli fruit, ananas, poire, frais en bouche, net, élégant, belle longueur, vif, bien équilibré. 8,50 euro.

15 - Chapoutier 18, av. du Docteur-Durand - 26600 Tain-l'Hermitage 04.75.08.28.65.
Deschants. Nez de gâteau au miel, mangue, bouche mentholée, élégante, très fraîche, avec des notes de romarin en finale. 12 euro.

15 - Pierre Coursodon 07300 Mauves 04.75.08.18.29.
Le Paradis Saint-Pierre. Nez de crème pâtissière, épices douces, gras, plein, riche, sensation de miel et de sucre en bouche. 14,50 euro.

15 - Les Vins de Vienne38200 Seyssuel 04.74.85.04.52.
Les Elouèdes. Verveine, fruits blancs, vanille, bouche ronde, bien fruitée, équilibrée, finale un peu marquée par le bois, ensemble très gourmand. 14,50 euro.

© le point 06/09/02 - N°1564 - Page 172 - 2149 mots

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steph.poulart@free.fr
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Texte Jacques Dupont  et réalisation Stéphane Poulart .
Mise à jour 09.12.2002