5. Le vin et les druides. Le grand berceau
Les premières ivresses.
De l’amphore aux tonneaux.
Les premières monnaies et la bière.

Au néolithique, notre homo Sapiens local côtoie et mange certainement du raisin, de la lambrusque sauvage, et boit du jus de raisin. La découverte accidentelle du vin ou d’une boisson qui lui ressemble et des premières ivresses qui en découlent est à peu près certaine mais de là en faire un vigneron averti, cultivant la vigne sur une échelle suffisante est fort peu probable. Mais nous manquons de preuves, le grand tort des civilisations de notre pays, gauloise comprise, est de ne pas avoir laissé beaucoup d’écrits.

Quelques historiens avancent que ce serait l’interdit de planter des vignobles prononcé par les druides, qui serait à l’origine du manque de références vineuses de notre pays durant cette époque. Il est vrai que les Gaulois (Celtes) ont manifesté par ailleurs trop d’ingéniosité, d’habilité et de savoir faire en agriculture pour qu’on s’interroge sur leur absence de pratiques viticoles, surtout qu’en quelques occasions, ils vont manifester un goût que nous qualifierons d’immodéré pour le vin (pioche) Iodure et Caton en relatent l’outrance.

Depuis l’arrivée des phocéens, la Gaule méditerranéenne a été pendant des siècles sous influence grecque puis romaine. Les Gaulois de cette région ont entretenu des relations commerciales importantes avec ces pays. L’alphabet et l’écriture développés par ces deux brillantes civilisations les ont certainement interpellés. Il existe des traces, inscriptions monumentales, calendriers, et comptes datant d’avant la conquête romaine, qui nous permettent de penser qu’un embryon d’écriture mêlant des emprunts étrusques, grecs, latins a été utilisé, (écriture restreinte servant essentiellement pour les affaires et la tenue des comptes). Ce potentiel a-t-il été occulté, voire combattu, par les druides ?

Dans le monde Gaulois, il y a deux sortes de gens, le peuple (en grande majorité agriculteurs) et la noblesse, (la caste des guerriers (chevaliers), des religieux (druides) et des maîtres artisans détenteurs du savoir faire, forgerons, charpentiers et dresseurs de chevaux). Élite intellectuelle, références religieuses et morales incontestées, philosophes, légistes, professeurs, devins, juges, médecins, sorciers, gardiens du savoir et des sciences, les druides (dru-wid = très savant) sont recrutés parmi les nobles. Ils se transmettent uniquement par l’oral leur savoir (les paroles sacrées). Cet enseignement fait appel à la mémoire et s’étale sur de nombreuses années, on parle de 20 à 25 ans. On fait uniquement appel à la mémoire pour mobiliser toute l’attention de l’esprit, (J César écrit que les druides ne veulent pas confier leurs connaissances à l’écriture pour des raisons de secret, pour préserver leur ascendant sur la population). On compare leurs pouvoirs à ceux des lamas Tibétain, (parapsychologie, magnétisme, transmission de pensées, prescience de phénomènes naturels). C’est une religion sans livres, sans vin (l’ivresse fait perdre dignité et respect).

Les points culminants et les clairières (nemeton) servent de lieux de cultes, on y vénère les dieux. (Lug le multi artisan, le dieu solaire, le dieu principal, Dagdà le dieu bon, Ogme le guerrier, Teutatis dieu de la guerre, Diancecht le médecin, Bélenos le dieu solaire et dieu protecteur de la culture de l’élevage, Borvo celui des sources, Taranus celui du ciel, du tonnerre Epona la déesse des chevaux), les noms changent en fonction des tribus.

La forêt est un territoire magique les arbres en sont les colonnes. D’un de ces hauts lieu d’ assemblées annuelles druidique, la forêt des Carnutes, il ne reste rien, les piliers de pierre de la cathédrale de Chartres ont pris la place des troncs légendaires des quercus et des fayards.

Toutes désobéissances au druide ou aux règles entraînent le bannissement, tous s’éloignent du condamné. Panoramix n’était pas si partageur que cela. Les Romains ont combattu avec beaucoup de vigueur les druides qui avaient trop d’influence à leurs yeux.

Au gui l’an neuf

Laissons de côté les serpes druidiques en or. " Aguilannée, anguilaneuf ces formules ont-elles un rapport avec le gui ? L’aguilannée se pratiquait dans les campagnes, c’était la tournée du village pratiquée en groupe pour recueillir des provisions. Le gui (viscum album) était cueilli au solstice d’hiver, pour la fête de Samain le 1ier novembre le jour de l’an Celte, (Halloween des Anglo-saxons). Il symbolise l’âme, la pérennité de la vie. Ce parasite dont il existe des pieds mâles et des pieds femelles apparaît sur les arbres âgés manquant de vigueur. Il est fréquent sur peupliers, saules, pommiers et tilleuls, il est très rare sur chênes. On signale quelques dizaines de cas seulement en France et sa présence sur ce dernier prend un caractère sacré, signe que cet arbre communique avec les esprits. Porter sur soi du gui provenant de ces vénérables quercus protège de bien des maux et poisons.

Il a également servi associé à des extraits d’autres plantes (grande berce, bétoine, centaurée, angélique, armoise, achillée, rumex, reine des prés). À préparer des boissons toniques chargées de guérir des maladies, de redonner la fécondité, remède contre les poisons (la potion magique avant l’heure).

Rassurons-nous, ce sont bien les Celtes gaulois qui ont inventé entre -200 et -150 ans avant J-C, le tonneau (tonna) en chêne et châtaignier plus rarement en hêtre sapin ou bouleau. (Le châtaignier laissera progressivement la place au chêne, mais restera le grand pourvoyeur des vignobles Français en échalas et dieu sait si la consommation va être important au cours des siècles).

Jules César est le premier à signaler son existence dans ses écrits en -51. Son usage va se généraliser progressivement à partir du IIe siècle de notre ère. Cette invention semble-t-il a été faite dans un premier temps pour la fermentation de la cervoise et pour son transport. À cette époque, les douelles sont maintenues par des cercles fait dans des gaules fraîches de châtaignier refendues mises à dimensions le chevauchement est lié avec de l’osier. On les met en place de la même manière que les cercles en fer, mais leur nombre est plus important, le cerclage en fer fera son apparition à la fin du XVIIIe siècle.

En dehors de l’outre, (qui reste parfaite pour les transports par bât, mais peut être pas tout à fait recommandée pour le goût du vin), l’amphore est le seul récipient fiable connu pour le transport des liquides dans le monde antique, Son invention remonte à -1500 en Crète ; elle va être massivement utilisée pendant 2000 ans par toutes les civilisations du monde méditerranéen.

Avec la romanisation, les potiers gaulois vont devenir d’habiles fabricants d’amphores. D’abord en Narbonnaise, sur quelques dizaines de sites, puis sur l’ensemble du territoire. Leur destination : l’huile d’olive, la saumure de poisson et le vin. Deux types sont produits : un à fond plat dit gaulois, assez fragile, souvent enveloppé d’osier ou de paille tressée pour les transports, l’autre, le plus connu, à fond pointu qui permettait de l’enfoncer pour la caler dans le sable ou la terre qui servait de lest aux galères, chaque site de fabrication ou presque à le sien. Dans notre pays, les amphores ont servi presque exclusivement au commerce du vin. On enduisait l’intérieur de poix, de résine plus rarement de goudron pour les rendre les plus étanches possible, ce qui transmettait au vin ce goût résiné particulier (âpre au goût de térébenthine), proche de certains vins de soif grecs actuels (Retsina, retardateur, on ajoute maintenant directement la résine de pin au moût ce qui permet au vin de se conserver malgré la chaleur).

Pour la conservation des vins les plus renommés et les plus chers, les Grecs et les Romains utilisaient des jarres non pas de terre crue mais recouverte d’un enduit blanc verdâtre l’engobe qui se transforme en céramique avec la cuisson donc l’imperméabilise, fermées avec un couvercle de la même matière scellé au plâtre et à la poix. Les vins les plus robustes pouvaient se conserver ainsi plusieurs décennies L’arrêt de la fabrication des amphores arrivera avec la disparition de l’empire romain d’occident.

La vigne sauvage est déjà plus ou moins travaillée par les premiers agriculteurs du Caucase et de la Syrie entre -9000 et -7000. On a retrouvé des jarres ventrues enterrées en Géorgie appelées kwevri datant de cette période. Elles étaient utilisées pour recevoir le raisin fraîchement foulé. Après la fermentation, on transvasait le vin dans une autre jarre enterrée elle aussi, que l’on obturait avec un bouchon en bois, puis d’un dôme de glaise et l'on recouvrait le tout avec de la terre, pour la conservation, c’est une méthode encore utilisée.

Cette agriculture et viticulture vont migrer sur les hautes terres, plateaux et pentes bordant au Nord-Est, le croissant fertile entre 600 et 900 mètres d’altitude. On a retrouvé là les fondations d’habitations groupées, datant des 9e et 8e millénaires sur le site du tell de Jerf el-Ahmar une cité de plusieurs milliers d’habitants en Anatolie preuves d’une organisation d’habitat collectif réfléchi (les habitations sont rectangulaires, en pisé, reposant sur des fondations en pierres).

Cette région est toute proche des sites refuges évoqués plus haut : Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan. Son climat est plus tempéré qu’aujourd’hui. Les formes sauvages de céréales, de plantes alimentaires et d’animaux, moutons, bovins, chèvres et porcs, y sont abondants.

Ces premiers agriculteurs vont descendre dans la plaine de Mésopotamie. La terre y est pourtant guère engageante, zones désertiques et marécageuses alternes. Les brutales crues du Tigre et de l’Euphrate y déposent un abondant limon. Les sumériens vont y développer un extraordinaire réseau d’irrigation et de drainage.

Les deux fleuves vont être de remarquables voies de développement : c’est le début de la navigation fluviale. Les barques sont faites de roseaux, le couffa est une barque légère ronde en forme de cuve, faite de cuir tendu sur une armature de bois de saules tressés. (Plusieurs millénaires plus tard les Irlandais notamment St Colomban et St Brendan utiliseront un type d’embarcation très proche dans sa conception). Les radeaux (kelek) sont des assemblages de planches de bois et d’outres gonflées (que les Romains appelleront utriculaires) que l’on dégonfle et remonte après chaque voyage. Avec la civilisation sumérienne naissante promise à un remarquable développement, la vigne va trouver les moyens de sa conquête du monde. Son entrée officielle dans l’histoire se fait avec les écritures figuratives (pictographique) puis cunéiforme (sur tablettes d’argile vers -3600/-3300). Un Allemand étudiant en Latin et Grec Georg Friedrich Grotefend découvre par hasard en 1802 sur les lieu d’une fête très arrosée, une tablette d’argile recouverte de signes mystérieux achetée en Iran et utilisée comme décoration. Dégrisé il va s’atteler et réussir à déchiffrer la plus vieille écriture du monde, celle-ci a durant 3 millénaires entre Méditerranée, Mer Noire, Mer Caspienne et Golfe Persique été la référence des peuples de ces régions. Les premiers écrits sur le vin décrivent la tenue des stocks, les règles commerciales, la prévention des fraudes " déjà ". Très tôt les sumériens distinguent les vins de montagnes, plus réputés que ceux de plaines.

C’est dans le croissant fertile que l’on trouve la plus vieille trace de roue datant de -4000 à Suse. Les chariots vont remplacer les traîneaux au cours du 3e millénaire. L’âge du bronze commence vers -2800. Le cheval domestique apparaît lui vers -2000, il est dressé pour le trait depuis plus d’un millénaire par les peuples du Caucase, l’âne l’a précédé comme bête de bât.

Le promontoire fatal

L’utilisation chez nous des chevaux sauvages est plutôt alimentaire. Au pied de la roche de Solutré, sous quelques mètres d’éboulis, on a découvert en 1866 un incroyable gisement d’ossements d’au moins 100 000 chevaux proche des espèces Pottok (le petit cheval gambade à nouveau dans les Pyrennées, il est devenu un débroussailleur écologique), Mérens (son ancêtre figure sur les parois de la grotte de Niaux lui aussi est petit est endurant) Prjevalski (redécouvert en 1879 il a été réintroduit en Lozère) et de rennes, poussés là par les chasseurs du paléolithique et du néolithique.

L’Egypte développe en même temps, ou suit de près, l’exemple sumérien, à une époque où notre pays est en pleine période mégalithique, vous savez les menhirs, les dolmens.

Chez les Egyptiens, les hiéroglyphes apparaissent en -3200. Très vite, les Égyptiens tiennent compte des diverses variétés de cépages, de l’origine, du terroir, du millésime et du nom du propriétaire. La vigne sauvage est présente dans le sud est et l’ouest de delta et dans quelques oasis. Sous la haute bienveillance d’Osiris le dieu de la terre et de la végétation qui a enseigné aux hommes l’agriculture et la viticulture, la vigne se cultive sur treille

Après la vinification, le vin auquel on ajoute parfois du miel ou des aromates est versé dans de hautes amphores bouchées avec du plâtre ou de l’argile et enterrées. Parmi les vins les plus célèbres citons ceux de Peluse et de Létopolis dans le delta, le Sebennytos apprécié de Pline, L’Anthylla que Cléopâtre servait à Antoine.

Les Egyptiens maîtrisent très tôt la taille, (On affirme que l’âne ou la chèvre seraient les instigateurs de cette pratique dans le courant du 2e millénaire en Mésopotamie et en Egypte. Après avoir subit la dent des mammifères avec profit, le cep va connaître la loi du fer avec l’homme). Le savoir-faire sera repris et développé par les grecs puis par les romains. La serpe et la serpette vont être les outils de taille durant des millénaires ; ils ne seront remplacés par le sécateur qu’au début du XIXe siècle, le premier sécateur est mis au point par le marquis Bernard de Moleville en 1810, on lui reproche d’écraser et de déchirer plutôt que de couper. Il va se perfectionner.

Comme dans le croissant fertile le transport fluvial sur le Nil va être déterminant dans le développement de la civilisation égyptienne, Les premières embarcations sont faites d’un tronc de Sycomore ou d’un ballot de papyrus ou de joncs et les radeaux, de troncs de bois venant de la Haute Egypte. La rame y fait son apparition puis la voile vers -2 500.

Le grand avantage de ce fleuve par rapport à l ‘Euphrate ou au Tigre est que la navigation peut se faire plus facilement à la voile.

Fini le temps de la Méditerranée déserte de toutes coquilles de noix. Elle n’est pas bien grande, quatre fois et demie la surface de notre pays, mais l’inconnu est immense et les moyens dérisoires. L’homme sort des fleuves et l’affronte avec les premiers esquifs à rames ou à voiles en feuilles ou en peaux. Le cabotage le long des côtes commence, les marins entreprennent des voyages de plus en plus lointains sans s’éloigner de la côte. Les galères apparaissent entre le 2e et le 3e millénaire avant notre ère. La peur des tempêtes de l’hiver est grande ainsi que celle d’atteindre les limites du monde et d’être précipité dans les abîmes hante les hommes. La terre est plate et circulaire pour Anaximandre de Milet (-610/-547) qui établit la première carte de géographie des mondes connus.

La terre est ronde

L’hypothèse que la terre puisse être ronde apparaît avec le mathématicien et philosophe phocéen de Marseille, Thalès (-625/-547). Il avance l’idée d’une sphère tenant toute seule dans le ciel vide, il explique le phénomène des éclipses.

Pour les grecs du Ve siècle avant J-C disciples de Pythagore (-570/-480), la terre est sphérique, elle n’est pas le centre du monde, mais est entourée de 7 autres sphères : Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, qui servent entre autres à mesurer l’intensité du plaisir, le 7e ciel.

Le philosophe Platon (-427/-347) affirme : " la terre est une sphère qui se soutient dans l’air au milieu du ciel par son équilibre ".

Le géomètre grec Eratosthène (-276/-193) responsable de la bibliothèque d’Alexandrie pense que la terre est ronde ; il calcule la circonférence avec une précision remarquable 41 000 kms (moins de 2.5 % d’erreur) et il met en évidence la latitude.

Les historiens distinguent trois routes pour naviguer d’Est en Ouest vice-versa. Le trajet Nord suit les côtes turques, grecques, romaines, gauloises et ibériques, celui du Sud, les côtes égyptiennes, libyennes et d’Afrique du Nord jusqu’aux colonnes d’Hercule (détroit de Gibraltar).

La route médiane la plus délicate affronte la pleine mer. Elle passe en revue les îles de Chypre, Malte, la Sicile, la Sardaigne, les Baléares. Elle sera utilisée plus tard quand les marins seront plus aguerris et les bateaux plus sûrs.

La bière, le vin d’orge

Le vin a un concurrent redoutable dont les balbutiements remonte à -7000 dans la région de Jéricho. La bière est fille de Démétrios dieu du grain, Dionysos et Bacchus se sont penchés sur le berceau du vin. C’est une boisson fermentée faite avec des grains de blé, d’orge, d’épeautre (blé rustique), de millet, seuls ou en mélanges, après broyage, on ajoute de l’eau pour obtenir une bouillie plus ou moins liquide, cuite c’est le pain, laissée telle quelle dans une jarre au soleil elle fermente, c’est l’ancêtre de la bière. Très répandue souvent aromatisée ou sucrée avec du jus de dattes (niud) ou avec des épices ou herbes aromatiques. Il existe plus de quinze sortes de bières à Babylone, la sikaru, la kurunnu….. Son importance est considérable dans tout le monde antique, elle est plus facile à faire que le vin

Appelé pain liquide par les Sumériens et pain de céréales (zithum, curmi) chez les Egyptiens. Chez ces derniers, toutes les couches de la société en consomment, de l’esclave au monarque, Osiris est le dieu des brasseurs. Mais le vin est en général plus prisé par les classes nobles et dirigeantes. Pour la bière en Egypte on confectionne un pain d’orge et de froment à peine cuit que l’on émiette dans une cuve contenant de l’eau sucrée avec des dattes, on filtre puis on laisse fermenter.

La bière arrive en Europe occidentale vers -5 000 et le houblon avec les Goths et les Alains au IVe siècle. Les différentes sortes de bières Gauloise sont la cervoise (cervesia) faite avec l’épeautre (bracis, braces) qui va donner brasserie et le (kourmi) à base d’orge (arinca). Sucellius est le dieu des brasseurs et des tonneliers. Les bières Gauloise sont souvent aromatisées avec (le miel, la tanaisie, l’absinthe, la menthe, l’anis, le buis, la cannelle, le gingembre, le genévrier, la gentiane, la marjolaine, le safran, la sauge, la thym).

À côté d’une fabrication de bières domestiques, les brasseries de la période romaine connaissent une très grande prospérité. Après les invasions barbares, elles ne font leur réapparition qu’au VIe et VIIe siècle ce sont des brasseries monastiques ou seigneuriales. Celle de Stenay voit le jour vers 770. À la même époque, l’abbaye de St Gall (Suisse) est renommée pour ses bières, la prima melior est réservée aux évêques, la cervisia étanche la soif des moines et la tertia celle des pèlerins. Le concile d’Aix interdit fabrication de la bière de vin en 817 (bière + vin blanc) St Arnoud (582/640) évêque de Metz devient le patron des brasseurs...

Le houblon, les premières traces de houblonnières remontent à l’époque de Pépin le Bref en 768. L’utilisation du houblon pour la bière aurait pour origine les monastères allemands entre le VIIIe et IXe siècle, la première mention date de 822. À cette époque, la puissante abbaye de Corbie dans la Somme maîtrise et transmet un grand savoir faire dans le maltage et le houblonnage dans la région Picarde, Flamande et en Westhphalie. (Dans le croissant fertile et en Egypte c’est une pratique connue est utilisée depuis des millénaires).

Le houblonnage, utilisation des inflorescences femelles du houblon pour la bière est décrite dans le courant du XIIe siècle. Les écrits de l’énergique abbesse bénédictine Hildegarde de Bingen (1098/1179), fondatrice du monastère de Ruppertsberg, femme médecin, en sont les témoins. La partie aérienne des houblons qui s’élève à une dizaine de mètres est coupées au début d l’automne. Les cours de ferme deviennent le lieu de récolte des cônes produit par les fleurs et les greniers les lieux de séchage. C’est la lupuline contenue dans les cônes qui apporte à la bière sa pointe d’amertume caractéristique, 100 ou 200 gr par hecto suffisent.

La technique du maltage est maîtrisée du temps de Dagobert. Pour le maltage, le grain d’orge subit une trempe de 48 heures suit la germination durant 6/8 jours puis on procède au séchage ou touraillage (chauffe durant 48 heures à 65° pour obtenir un malt pâle avec des températures un peu supérieures le malt prend des couleurs ambrées ou brunes et même très très brunes pour la Guiness) et enfin le dégermage.

Le brassage, le malt est concassé et mélangé à l’eau pure et chauffé c’est l’empâtage. Suit la filtration le jus est porté à ébullition, on ajoute le houblon puis les levures pour la fermentation.

Il y a deux sortes de fermentation la basse et la haute, pour la première le temps de fermentation dure 5 à 8 de jours à des températures inférieures à 9°, les levures tombent au fond en fin de fermentation elle donnent les bières courantes de type lager mise au point en 1840. Dans la fermentation haute pour les bières de type ale, la fermentation est plus courte 4/5 jours, à 15°/20° les levures employées reste en surface. Les bières obtenues vont subir une période de fermentation secondaire à base température de plusieurs semaines appelée garde.

En dehors de la bière forte titrant 4 à 5° que l’on peu qualifiée de bière de luxe, il existe une bière économique dite de ménage ou petite bière titrant 1° ou tout au plus 1,5°.

Pour faire face à la famine et préserver les céréales le comte de Flandre interdira la fabrication de la bière en 1125. En dehors des monastères qui se sont parfois appropriés avec fourberie les recettes de brassage auprès de leurs ouailles lors de la confesse, les premiers brasseurs civils officiels apparaissent à Strasbourg et Francfort dans la deuxième partie du XIIIe siècle. Saint Louis va réglementer la composition de la bière en 1268. C’est seulement en 1429 que le mot " Bière " apparaît, la corporation des brasseurs de Paris est appelée " Communauté des cervoisiers et faiseurs de bière ". Le mot bière est issu de bere qui en vieux saxon signifie " céréales ". En Bavière c’est la loi de la pureté promulguée en 1516 (reinheitsgebot) par Guillaume V duc de Bavière qui précise les règles de fabrication de la bière, qui ne peut être faite qu’avec de l’eau, du houblon, de l’orge et des levures ; cette loi est étendue à l’empire allemand en 1906, cela a été une source de discorde européenne jusqu’en 1987.

La bière peut être blonde, rousse, brune, celle de mars, pas celle des petits hommes verts, est peu alcoolisée, elle annonce dit-on le printemps, elle est brassée au début de l’hiver subit une longue garde et est mise au commerce le 13 mars, elle a fait son apparition à Arras en 1394. La bière blanche rafraîchissante en été est originaire du Brabant belge, le village de Hoegaarden est célèbre pour la sienne faite à base de froment, d’orge et d’avoine.

La France comptait entre 3000 et 4000 brasseries au début du XIXe siècle, à côté de quelques multinationales véritable usines à bières, il reste actuellement moins de deux dizaines de petites ou micro-brasseries. En Allemagne, il y en a encore prés de 1300, mais la baisse constante de la consommation et les rachats des petites brasseries par les multinationales va changer le paysage.

Quant à la cervoise (de Cérès déesse des moissons) de nos ancêtres, elle est faite à partir d’une bouillie d’orge ou de froment contenant du cumin et du miel, après fermentation, on ajoute de plantes aromatiques, tanaisie, Absinthe et menthe pour masquer le goût rustique fort et acide. Depuis quelques années on brasse en Bretagne à nouveaux des cervoises qui se veulent très proches de l’antique boisson.

Toutes les civilisations antiques méditerranéennes et du Moyen-Orient : assyrienne, babylonienne, hittite, crétoise, phénicienne, perse, grecque et romaine vont s’adonner à la culture de la vigne pour la cuvée ou la table.

Les nombreuses migrations, conquêtes mais surtout les marines marchandes se chargeront de la diffusion du vin, du savoir et des pieds de vignes. Après les Crétois et les Mycéniens, les Grecs s’imposent au nord de la Méditerranée, (sud de la Gaule, sud de l’Italie, Sicile, Mer noire, Turquie, Crète et Libye). Les trières de guerre Grecque sont redoutables. (Elles ont été mise au point par un ingénieur Corinthien du nom d’Aminoclés au début du 8e avant J C. Pour d’autres, elle dérive de la dière Phénicienne. En tout cas avec ses 30 à 38 métres de long pour 5 à 5,5 de large, ses 150 à 170 rameurs et 30 officiers, hommes d’équipage et hommes d’abordage, elle en impose. Construite à l’arsenal de Zéa (Pirée), elle va permettre aux Grecs de ruiner les tentatives d’hégémonie des Perses de l’empereur Xerxés en -480 à Salamine).

La marine phénicienne quant à elle est très active dans la partie sud, (Espagne, en Afrique du Nord et à Chypre. Les phéniciens, (leur nom dérive de phoinos, rouge " fabricant et marchand de pourpre "  la pourpre impériale des Césars, c’est un liquide allant du rouge vif au violet foncé extrait du murex un gastéropode marin perceur de coquilles amoureux des moules et des huîtres). Ils ont colonisés une étroite bande de terre sur les côtes du Liban, de la Syrie et d’Israël, et fondé environ 25 cités portuaires indépendantes  : Byblos (de biblion = livre et par extension bible, qui échangeait le bois de cèdre contre le papyrus), Sidon actuellement Saïda (la cité de la pourpre, également réputée pour sa verrerie) et la très célèbre Tyr (cette dernière a été construite sur une île que les alluvions ont rattachée depuis au continent. Il faut dire qu’Alexandre le Grand a bien aidé la nature. C’est lui qui fit construire une digue de 1 kilomètre pour combler le petit bras de mer lors du siège et de la prise de la ville en -332 ; les Phéniciens agaçaient les Grecs par leur prospérité et leur arrogance). Les Phéniciens Sont de bons agriculteurs et producteurs de fruits (dattes et olives), mais leurs joyaux sont les vins d’Helbon et de Chalydon (prés de Damas), et de Byblos et de sa région. Ils sont probablement les meilleurs marins du monde antique, méticuleux (Xénophon (- 430 -355) rapporte que tout était soigneusement rangé sur leurs bateaux, les marins affirmaient ", " il n’est plus temps de chercher ce dont on à besoin quant les dieux ont déchaînés la tempête ". La proue de leurs galères de guerre est dotée d’un éperon puissant en forme de sabot et leurs bateaux de commerce (gaulois et tarsis) ont une coque arrondie ventrue calfatée avec le bitume de la mer Morte, tous possèdent un gréement pour une voile carrée. Ils sont fabriquées dans l’île de Rawad (Arwad) au large de Tartus, avec les cèdres du Liban au bois d’une solidité à toutes épreuves, mais également avec le sapin de Cilicie, le cyprès méditerranéen et le genévrier de Syrie. Les Egyptiens fréquentent les lieux depuis les 4e et 3e millénaires et les utilisent eux aussi en abondance pour construire leurs palais mais surtout leurs navires (kepen et keftion) sous la direction des maîtres charpentiers Phénicien et Crétois dans leurs chantiers navals sur les berges du Nil. Tous ces bois affluent en plus grande abondance après leur main mise sur la région au XVIe siècle avant J C. Le célèbre roi des Hébreux Salomon (-969 -930) se servira lui aussi dit-on des imposants troncs de cèdrus pour son palais (quelques historiens avancent que les cèdres étaient en réalité des genévriers. Dans celui du roi Assyrien Sargon II (-722 -705) à Dour-Sharroukên des bas-reliefs monumentaux détaillent par le menu le transport des billes de cèdres, sapins et autres cyprès depuis les monts du Liban jusqu’aux plages où elles sont chargées sur les galères ou remorquées par ces dernières jusqu’à proximité des grandes cités Phéniciennes, de là elles prennent les routes caravanières ou la mer. Des immenses forêts originelles Libanaise il ne reste que quelques géants de cedrus libanotica, 2 ou 3 fois millénaires. Une importante campagne de replantation est entreprise à l’heure actuelle. Il persiste encore quelques belles forêts dans le Taurus et en Syrie).

Les plus anciennes épaves connues

Entre le 1er et le 2e millénaire c’est jusqu'à 2 000 amphores que les bateaux égyptiens pouvaient transporter. En 1999, à 50 km au large d’Ashqelon, ancien comptoir phénicien entre Jaffa et Gaza, il a été découvert par 350 m de fond 2 épaves de navires phéniciens datant de -700 partis de Tyr et faisant route pour l ‘Egypte. Autour de chaque épave, environ 400 amphores de 20 litres sont éparpillées. Elles ont contenu peut être le célèbre vin de Chalydon ou de Byblos ? ces amphores sont dans leur très grande majorité en parfait état de conservation.

Prés de l’île de Riou à quelques encablures de Marseille dans les années 50, c’est l’épave d’un " corbitae " bateau plat et rond romain datant de -240, contenant 1000 amphores de vin des Cyclades dont certaines contenaient encore du vin, (si le liquide décoloré restant pouvait encore porter le nom de vin)

Au large d’Hyères ce sont 6 000 amphores qui ont été retrouvées dans l’épave d’un bateau romain datant du 1er siècle avant notre ère. À côté de Toulon c’est une épave Etrusque du VIe siècle avant J C découverte en 1999, contenant plus de 500 amphores de vin originaire de Cerverteri (une dés plus importante ville Etrusque) dont les bouchons de liège se sont bien conservés.

La Méditerranée regorge d’épaves de toutes les époques, les plongeurs ont encore du travail en perspective et les pilleurs des trésors à écouler.

Commerçants redoutables et pirates notoires les phéniciens sont souvent qualifiés de canailles. Méfiants, ils garderont jalousement le secret de leurs itinéraires maritimes, interdiront le passage du détroit de Gibraltar et s’opposeront à l’accostage de leurs côtes (sauf avaries graves) en dehors de certains ports, mais développeront un alphabet de 22 signes vers -1300, Les Grecs apporteront les voyelles plus tard. C’est l’ancêtre du nôtre. Les phéniciens entretiennent d’actives relations commerciales avec les peuples des rivages de la Méditerranée : Afrique du Nord, Espagne, Sicile, Sardaigne, Afrique Atlantique, Bretagne, Angleterre, où ils établiront de nombreux comptoirs et villes coloniales. Carthage, fondée en -814, en est le fleuron. Son port circulaire (le Cothon) était capable d’abriter plus de 200 navires en même temps. Hannibal est son plus fameux représentant, il traversera notre pays avec armée et éléphants en -217, pour en découdre avec Rome. Les Romains mettront un terme à leur civilisation. Carthage est prise et rasée en -146.

Histoire de figues

Ce sont quelques figues fraîches cueillies quelques jours plus tôt à Carthage, achetée au marché à Rome et présentée par Caton aux sénateurs qui semble-t-il fit prendre conscience aux Romains que l’insupportable efficacité commerciale des Phéniciens restait inégalée et l’expansionnisme restait une réalité bien vivace et que la proximité de Carthage représentait toujours un danger préoccupant. Le souvenir de l’expédition d’Hannibal était encore dans les esprits.

La vigne cultivée et le vin mettront 5 000 ans pour venir jusquĠà nous.


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Texte Marc Vernageau. Réalisation S. Poulart . Mise à jour 10.04.2002