Dégustation du 14 au 19 novembre 2000 Voyage dégustation
dans le Rhône nord Synthèse des commentaires de dégustation par Pierre Citerne et Laurent Gibet. PRELIMINAIRE Comme pour le voyage de l'année dernière en Bourgogne fin 1999, commençons par rendre ici un chaleureux hommage à l'hospitalité des producteurs rhodaniens, à la richesse et à la diversité des accueils. Dans tous les chais que nous avons visités, nous avons été reçus par des vignerons désireux de nous communiquer les subtilités de leur art et de leurs terroirs. Conscients de l'effort fourni en temps de dégustation et de discussion, auquel s'ajoute l'éventuel travail postérieur et fastidieux d'ouillage, nous leur adressons nos remerciements les plus vifs pour les moments instructifs et privilégiés passés en leur compagnie. Didier Sanchez, Rémy Pédréno et Pierre Citerne ont visité les domaines Delas, Pierre Gaillard et Albert Belle la veille de l'arrivée du reste du groupe. 1. INTRODUCTION Nous étions lors de ce nouveau voyage les mêmes passionnés du club toulousain In Vino Veritas, réunis pour un périple préparé de longue date, mis au point après avoir sollicité les meilleurs domaines du Rhône septentrional. Les participants étaient : Didier SANCHEZ, Pierre CITERNE, Rémy PEDRENO, Pascal PEREZ et Laurent GIBET. Nous avons dégusté à un rythme intensif, la plupart du temps dans les chais, des vins du millésime 99 tirés sur fût (et parfois des vins du millésime 2000). Des vins en bouteille (des 98 et des millésimes plus anciens) ont le plus souvent complété le parcours. NOTES : DS : Didier SANCHEZ - PC : Pierre CITERNE - LG : Laurent GIBET - PP : Pascal PEREZ. Liste des domaines visités : 2. CONCLUSION
Au total, ce voyage mémorable et éprouvant nous a permis de commenter et de noter près de 300 vins, pour 24 domaines visités. Le lecteur trouvera dans le tableau récapitulatif des notes une vision synthétique et collégiale de la qualité des différents domaines, telle qu'elle nous est apparue lors de ce périple. Il serait bien immodeste de notre part, sachant la nature complexe de l'analyse sensorielle, de lui accorder un statut péremptoire et définitif. Nous insistons donc sur le fait que nous exprimons ici un avis collégial d'amateurs expérimentés et enthousiastes, sous forme d'instantanés subjectifs. Cette réserve s'applique avec un supplément d'exigence aux commentaires que nous faisons sur les vignerons et leurs accueils respectifs. Il est intéressant à ce titre de noter l'adéquation plus ou moins nette entre le caractère des vignerons et le type de vins qu'ils façonnent. Il serait bien évidemment idéal de regoûter un échantillon choisi de ces vins dans quelques années afin de vérifier nos prévisions après mise en bouteille et vieillissement sur plusieurs années, notamment dans le cas des vins extraits et techniques. Concernant les meilleures cuvées dégustées, il ressort les faits marquants suivants (contrairement aux commentaires structurels, de portée générale, les commentaires sur les arômes concernent essentiellement les vins jeunes) : Les vins de la Côte-Rôtie conjuguent
harmonieusement des arômes de fruits rouges et noirs
(cassis, framboise), de violette, d'épices, de réglisse,
associés à des notes minérales et fumées.
Ce sont des vins corsés, aromatiquement riches, généralement
plus fins (plus aériens) que ceux de l'Hermitage. La
côte blonde produit des vins plus fins et moins sévères
que ceux de la côte brune.
Les vins rouges de l'Hermitage s'avèrent
en règle générale plus posés,
plus terriens (avec des notes animales plus flagrantes), plus
denses (trapus), plus tanniques et un peu plus austères.
Ces caractéristiques n'excluent pas la fraîcheur.
Profonds et sombres, ils délivrent des senteurs complexes
de cacao, de cassis, d'encre, d'épices (poivre, en
particulier), de fumée, associées à des
notes minérales et florales. Des vins comme la cuvée
"La Chapelle" de chez Jaboulet Ainé sont pour autant
élaborés dans un style plus oriental et exubérant,
et de ce fait plus flatteur.
Les vins blancs de l'Hermitage exhalent
des notes de fruits, d'herbes, de miel, de cire, de résine,
dans une trame minérale. Ils sont peu acides, gras,
parfumés et capiteux, mais souvent austères.
Les vins de Cornas se distinguent par
un caractère puissant, corsé. Ce sont des vins
de terroir virils, robustes, charpentés, soulignés
par des notes animales et épicées (poivre, notamment),
plus solaires (des vins de nature "sudiste", de "terres
brûlées").
Les vins rouges de Saint-Joseph
sont fruités, francs, désaltérants,
souvent fins. Plus légers que les autres rouges de
la région, ils sont néanmoins capables de puissance
structurée.
Les vins blancs de Saint-Joseph
sont gras et aromatiques (fruits blancs, agrumes), sans
souffrir de cette mollesse chronique trop souvent exprimée
par la marsanne.
Les vins rouges de Crozes-Hermitage
(ceux qui évitent le piège de la rusticité
- rendements trop élevés, notamment dans la
plaine) sont fruités, floraux et poivrés,
avec des notes végétales typées (poivron).
Les vins blancs de Crozes-Hermitage
sont floraux et fruités sans manquer de fraîcheur.
Dans le cas de l'appellation Saint-Péray,
nous avons trouvé des vins intéressants chez
Gripa, Clape et Colombo.
Enfin, nous n'avons pas, malgré un
choix sélectif des meilleurs domaines, été
convaincus de la capacité de l'appellation Condrieu
à produire de grands vins. Les meilleurs sont bons
(et parfois très bons), notamment lorsque la mollesse
chronique du cépage viognier est compensée par
une bonne acidité. Ils développent d'avenantes
notes fruitées (abricot, pêche, lytchee), florales
(rose, violette) et exotiques. Leur aptitude au vieillissement
n'est pas une évidence, même si un coteaux de
Vernon 91 bu chez Vernay tire relativement bien son épingle
du jeu (c'est à dire qu'il montre sa capacité
à vieillir harmonieusement). Dans le cas des vendanges
tardives, les meilleures cuvées (celles précisément
dont l'acidité équilibre le sucre de manière
satisfaisante) sont étonnantes, exubérantes.
Rajoutons qu'il est difficile de se repérer dans la
jungle hétérogène (en taux de sucre résiduel)
des cuvées élaborées.
Remarque : Le viognier est dans cette région septentrionale de la vallée du Rhône complanté avec la syrah, et c'est cette raison qui explique l'assemblage d'un cépage blanc (jusqu'à 15% autorisés) dans le cas des vins issus de la Côte-Rôtie. M. Jamet a pour autant bien insisté sur l'inutilité avérée de ce cépage dans l'élaboration des vins de cette appellation, soulignant ainsi la justification historique plus que le réel intérêt vinique de cet apport. Si l'on voulait comparer ce voyage à celui effectué l'année dernière en Bourgogne, on pourrait dire : Que les vins, minéraux et tanniques
(cépage oblige), sont plus durs à déguster
(en revanche - et c'est heureux pour nous faciliter la tâche
- ils sont servis moins froids qu'en Bourgogne).
Que l'on trouve assurément moins
de vins de très grande qualité, pour des
domaines pourtant aussi rigoureusement sélectionnés
(même si nous n'avons pas pu visiter tous les domaines
réputés).
Pour terminer, rajoutons que les vins du millésime 99 affichent beaucoup de promesses. Ils sont plus enrobés que les 98, dont les finales anguleuses s'avèrent souvent un peu dures et ingrates. S'il faut en priorité acheter les 98 dans le Rhône méridional (et notamment les vins de l'appellation Chateauneuf-du-Pape), il est recommandé de rechercher les 99 dans le Rhône septentrional. Il convient encore de préciser que ce millésime, caractérisé par une maturité extrême, va peut-être accoucher de vins totalement atypiques pour la région (degrés élevés, relative lourdeur démonstrative). Dans le cas plus particulier de la Côte-Rôtie, qui produit habituellement des vins corsés, aromatiquement riches et surtout aériens, ne risque-t-on pas de perdre en typicité et en finesse en proposant de fait un style plus lourd, plus "sudiste" ? Dernière minute : Comme pour les autres domaines redégustés au club début 2001, le lecteur aura intérêt à consulter le compte-rendu de la dégustation des vins de Côte-Rôtie (millésimes 97 et 98 + La Turque en millésime 88) du 12/3/01 fourni en annexe pour un éclairage complémentaire sur ces vins. On y note en particulier les points suivants : un jugement très favorable confirmé
pour Ogier (cuvée "Belle Hélène" 97),
certes encore boisée mais prometteuse, qui peut prétendre
se hisser au niveau des meilleures à son apogée.
Le bois y est mieux intégré que chez Vernay
et Gérin.
une satisfaction pour Gangloff, avec un 97
(comprenez "Vieilles Vignes") pur, typé et frais, sans
aucune lourdeur, sécheresse ou rusticité, et
également sans cette expression boisée trouvée
chez Ogier (un style différent, donc, avec en l'état,
tout comme chez Jamet, un plus grand respect du fruit).
une relative déception pour Gérin
avec une cuvée "Grandes Places" 97 dans un style flatteur,
charmeur et plus pommadé (effet millésime ?)
mais perdant en typicité.
une réserve renouvelée pour
la cuvée "maison rouge" 97 Vernay (le vin restant relativement
banal).
une confirmation pour Jamet 97 (une sorte
d'évidence dans l'expression aromatique et structurelle
associée à beaucoup de fraîcheur et de
classe, un boisé qui accompagne admirablement le fruit).
La cuvée "Terroir" 97 de Rostaing déçoit,
par son manque de concentration. Elle unit dans ce millésimé
apparemment raté les 2 cuvées habituelles du
domaine ("Côte Blonde" et "Landonne").
La cuvée "La Landonne" 97 de Delas
impressionne par l'alliance réussie de la puissance
et de la fraîcheur.
La cuvée "La Mordorée" 97 de
chez Chapoutier, sans surprise particulièrement puissante,
concentrée et démonstrative, paraît elle
pâtir (du moins en l'état) d'un manque de typicité
et d'une relative lourdeur. Elle affiche un style international
qui ne fait pas l'unanimité.
Enfin, "La Turque" 88 de chez Guigal nous
laisse un peu sur notre soif. Le vin est certes bon mais paraît
déjà usé et n'offre pas la magie attendue
(à cause de l'âge des vignes, encore jeunes pour
ce millésime ? des conditions de conservation de la
bouteille ?).
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